0.Liber des élorsiers

1. Elorsier, Alorsier, Alirsier, Alisier, Elisier, Eliser, les noms ne manquent pas mais les noms, en vérité, manquent.
Ne suffisent pas, quand parfois même ils trompent.
Elorsier, Alisier, Eyzier, Ize même, nous connaissons des endroits reculés, nous connaissons des carrefours, des layons, où, plutôt que d’autres, ces mots.
Alorsier, Eliser, Lizier, Zilier même, Cilier même, noms ne manquent jamais les noms. Nombreux, s’ils ratent leur cible, plus nombreux encore, ils sont.
Ne manquent pas de génie, toutefois, à croire qu’ils changent en chaque bouche, en chaque main.
(Le défaut de la bouche, le défaut de la main.)
Quant à taper juste, telle hache ou merlin, si le choc, souvent à côté de la plaque : plutôt effet déflagration, victimes collatérales, tel est langage.
Coin, sapie, tarière, masse, merlin, hache, tout existe, là encore les poisons ne manquent pas. Et les effets, délétères. Les différentes manières de la mort. Le génie.
C’est d’ailleurs parce que la multitude, que la multitude des erreurs s’engendre.

 

2. Car la multitude engendre.
Engendre le défaut, l’erreur dans les mots. Et autres.
De génie, dans la famille, on en sait quelque chose. Un ancêtre (ou deux), ayant baguenaudé avec un ancêtre (ou deux), bien que ces ancêtres ne se connaissent pas vraiment.
Strictement, nous les bâtards.
Les bâtards sont notre génie. Nous somme le génie des bâtards. Alisier, Zilier, toute la gamme de A à Z avance, et ne tenons des ancêtres qu’une vague ressemblance, un lien de parenté, peut-être oui, un lien, que nous avons tenu, que nous avons fixé, avec fierté comme le génie de notre généalogie.
Hybride, dira le pharmacien, pour qui comptent les pharmakons. Pour nous autres, dans la famille, bâtards. Mais les autres nous regardent d’un mauvais œil parce que nous sommes rares.
Au sein de la Strate (nous appelons ainsi notre habitat) nous sommes nombreux (nous voulons dire à composer la Strate, famille ou pas) : autres Alisiers (cousins directs), Sorbiers (cousins éloignés), Chênes, Pins, Érables, toute la clique nous zieute.
Parce que notre fierté notre lien, nous distingue. Ils sont jaloux, lu Bourdieu. Mais tout ça, nous l’avons dit dessus, ce sont des mots. Ne manquent pas, mais manquent aussi.
Bois précieux, oui, arbre protégé, pff. Bâtard ? Hybride ?
Il y a des degrés dans la distinction. Il y a des enfants à bourdieu. Des rebondissements dans le récit.

 

3. Il y a ensuite le monde. Nous la Strate, mais les autres strates existent, et je ne parle pas d’un malheureux chablis, qu’un de nous cacochyme autorise. Il y a les pelouses, les marais ; au-delà, il y a aussi, dit-on de bouche de dryade à oreille de dryade, il y a les champs, les villes, toutes choses formant le monde, le cosmos.
Et même ici, pour des outils qu’on ne connaît pas, des techniques ou des mythes qu’on ne maîtrise pas, tous ces mondes s’entrecroisent.
On ne se retrouve pas en manteau et ourlet, en lisière, comme ceux qui d’entre nous avancent sur l’ouvert (ou le vert), comme ceux d’entre nous se retrouvent au chevet du chablis, par la force des choses (la force des choses, c’est le temps).
Certains carrefours, certains layons nous échappent.
On ne peut pas tout enserrer. On se laisse enfreindre.
Il faudrait nous entendre.
Il nous faudrait un chef, un meneur, un roi.

Mais c’est que les mots manquent. Les mots qui ne manquent pas.