Epilogue. Dedans

prémisse_ Il y a à l’angle du Domaine (les « Déserts » des « bêtes noires et rousses ») une poste où Marcel Proust reçut un coup de fil, le 20 avril 1914. Ce n’était pas Jeanne, sa tendre mère, qui d’une voix étouffée lui annonçait le décès de son père.

prémisse_L’Hôtel de France et d’Angleterre a connu une réplique à l’identique, mais à l’échelle 1:1,2, Le Nouvel Hôtel de France et d’Angleterre, à quelques miles de la frontière entre la province de Québec et l’état du Maine – et non, comme a pu le prétendre à tort, entre la province de Colombie-Britannique et l’état de Washington, même si cette hypothèse pouvait sembler séduisante.

prémisse_ Une partie de la bibliothèque du roi, transférée de Blois à Fontainebleau, a servi a constituer le fonds historique et primordial de la bibliothèque nationale de France. Or une partie de ce convoi a échappé à la surveillance de ses gardes et d’aucuns affirment que chez un certain bouquiniste janséniste de Buenos Aires (Abejas), on pouvait trouver, jusque dans les années 50, certains de ces ouvrages (Borges, Nouvelles inquisitions).

prémisse_ Dans l’un de ces livres resté sur le site de Richelieu avec quelques-autres, et lui ayant probablement appartenu, on a retrouvé un fragment d’une lettre du cardinal de Retz (à un destinataire inconnu) où celui-ci révèle que cet arpent de terre, chèrement payée par le roi lui-même, devra « tenir pièce et amadouer déduis », phrase qui reste à ce jour incompréhensible (probablement car hors de son contexte).

 

Pour accéder aux loges des artistes, il convient de passer par le théâtre Napoléon III. Joyau architectural, le théâtre est un bateau. L’accès est toujours régi par des marins. Ce sont les marins – les nochers – qui autorisent tout passage. Passer par le théâtre, et en vérité par la scène, l’arrière-scène où les décors de bois reposent sur de grands châssis illuminés par de fort hauts quinquets, simule le passage du monde réel au monde de la fiction, puis à l’arrière-monde, lequel est le lieu mystique où se jouent les destinées de l’univers, ou agissent les forces contraires du balancement qui organise l’équilibre cosmique.

Il y a des lieux où certaines dimensions alternatives sont contiguës, qui sont des lieux de passage : les loges. Les loges ne sont pas des lieux clos, reproduits par la présence d’un miroir en leur sein. Elles sont au contraire des cages ouvertes, des volumes potentiels. Il n’y a pas de miroir, contrairement à tout les mondes imaginés par les néoplatonistes.

Contrairement au monde d’avant le Timée, en effet, celui de la caverne, les chambres sont des chambres, sans double-fond. En témoigne la seule chambre ouverte au public… que faire d’un hôtel qui ne comporterait qu’une seule chambre ? (Par exemple la chambre spatiale d’Elon Musk ?)

La chambre numéro quarante-neuf.

49 (le carré de 7).

La chambre quarante-neuf, comme les quarante-huit autres chambres qui la précèdent, et le nombre infini des chambres qui la suivent, est tapissée d’une magnifique tapisserie Napoléon III figurant des roses bleues.

 

*

 

« Cher David,

Il ne suffit pas que vous jouiez dans votre propre série pour suggérer, voire intimer, l’idée que chaque phénomène visible en ce monde serait lui-même le double non pas d’une idée éthérée qui prendrait valeur de révélation. Au surplus, j’ai tendance à penser que les hommes ne sont pas ces créatures naïves que décrit Platon, fascinées et bernées par des ombres projetées sur un mauvais écran pariétal.

Vous êtes bien placé pour savoir que c’est précisément l’inverse dont il s’agit : c’est la lumière qu’on projette, à la manière d’un magicien.

C’est donc cela qui fabrique des ombres qui est une illusion : les ombres sont le monde même !

Et pourquoi les ombres seraient le monde même ? Parce qu’elles sont précisément l’énigme, le mot de passe, le symptôme.

Comme je l’ai écrit par ailleurs, tout ceci est vrai parce que je l’ai écrit. Cela suffit à dompter mon inquiétude. Vous en tirerez pour vous-mêmes les conclusions qui vous agréent. Il reste que vous viendrez certainement dans la chambre 49 (j’ai bien dit 49, et non pas 42), et y dormirez.

C’est à ce prix que notre dialogue se poursuivra. Je vous communiquerai plus tard, jadis, jamais, la suite des instructions !

En attendant je vous serre les mains,
Vôtre,
Jorge »

 

*

 

« Allô, Jorge ? C’est moi.

Il y a, dans les combles, un certain nombre de petits cubicules qui paraissent des débarras. En quelques sorte, c’en sont. Mais ce sont aussi comme ces doubles-fonds qu’on voit dans les valises modernes.

Eh bien dans l’une de celles-ci, celle qu’on trouve le plus à l’ouest, à proximité de l’escalier, tu trouveras le plan. Il a été laissé là par les Américains, qui n’ont su qu’en tirer. D’aucuns disent que l’usage de l’anglais a causé un grand nombre de mesinterprétations et de confusion dans les esprits les plus fins. Que dire si cela avait été en russe !

C’est cela que David doit parvenir à lire. Il en trouvera la reproduction de l’autre côté de l’espace architecturé, précisément dans la bibliothèque près de la poste.

Il y a là un beau bureau d’ébène et de chêne massif, qui appartenait à Napoléon. Il a été oublié dans l’inventaire, parce qu’il portait tout un fatras (qui aurait dû lui aussi nourrir un débarras). Quoi qu’il en soit, ce bureau possède trois tiroirs, comme il se doit, et dans le troisième, le plus bas, se trouve un petit livre de Rabelais. Tout est là, à plus hault sens.

Je t’embrasse affectueusement, et maman t’embrasse aussi »

 

*

« from David {davidlodz@gmail.com} à MP {tempsperdu@recherche.fr} »
« on sunday the first David wrote : »
« Dear MP,
i just found oh sorry je just trouver le pièce manquant que j’ai fait la photograph.
ça n’était pas trop difficil. anyway. je continue le huh location scouting pour la 3d season. ton idee etait fantastic.

ici ils ont montré tous les secret places, et je pense qu’il y a l’energy que j’ai besoin pour le filming. ils sont trés gentile.
regards,
david »

 

*

 

« Alligator 427, je vous attends. »

 

*

 

Il y a les quatre tours. Il y a la dalle. Et sous la dalle le rez-de-jardin. L’accès au jardin du rez-de-jardin est impossible au commun des mortels. Dans ce jardin, dans le 14e arrondissement de Paris, se trouve un fragment de la forêt de Fontainebleau, avec son sol, ses sables, ses pins, ses champignons et mousses, ses vers, ses mollusques, ses arthropodes. Ce fragment de forêt est un écho du fonds primordial de François 1er.

Ce fragment de forêt est enfermé entre les quatre tours des livres.

Mais certains carrefours, certains layons nous échappent. On ne peut pas tout enserrer. On se laisse enfreindre.

Il faudrait nous entendre.

Il nous faudrait un chef, un meneur, un roi.

Il n’y a pas d’élorsier dans cette forêt (pas à ma connaissance). Ce pourrait être n’importe quelle forêt. N’importe quelle forêt tient dans un livre.

C’est que les mots manquent. Les mots qui ne manquent pas.