Mise à jour 2011-2012. Bien évidemment, ce “site” est un “blogue”. Donc le propos qui suit devient caduc. Ou pas. Différents développements ou mises à jour se trouvent ici, ici ou là.
Je ne veux pas de blogue ici, mais qu’est-ce qu’un blogue. Un contenu insignifiant dans un contenant castrateur et redondant.
Voilà. je me bats contre les blogues.
Je veux autre chose. Je ne vaux pas d’autofiction. Cela n’existe pas. Le premier qui ose prétendre que Marguerite Duras fait de l’autofiction, je lui arrache volontiers la langue.
J’ai vu Christine Angot à Montpellier, j’en ai parlé ailleurs (Une semaine culturelle en France en 2006). Mais je n’ai vu qu’un étalage de « Je », de « Moi ».
Je ne renie aucune douleur, ni celle de l’inceste, ni celle de la tromperie, ni celle du viol, ni celle de la déportation. Je considère simplement que la littérature n’a pas à parler de « sa petite affaire familiale ». Faire cela n’a rien à voir. La littérature (l’inexplicable de la littérature, l’insoutenable de la littérature, l’impossible de la littérature) est alors à la traîne du sujet écrivant, et avancer que Proust préfigure Angot, Laurens, Houellebecq ou autre est faire preuve d’une sénilité intellectuelle notoire.
Je ne nie pas le malaise, le mal être, l’angoisse de vivre. Soit la littérature transcende cela pour en universaliser la portée (par exemple, je ne sais pas, Baudelaire), soit elle se dilue dans la compassion étrangère à tout dieu mais dévouée aux hommes (autre exemple peut-être, Camus). Mais ces catégories ne valent rien si l’on s’en remet au mot même, et je ne suis pas sûr qu’un découpage existe.
Je sais simplement que se servir de la littérature comme divan « ne colle pas », est immédiatement emporté par le souffle extravagant, exorbitant, de la littérature.
Ce n’est pas Christine Angot que je n’aime pas (je me fiche de connaître ses malheurs peu éclatants et mortifères), ce sont ses livres, qui encombrent les étals déjà nauséeux des librairies.
Je revois Deleuze dans son fameux Abécédaire ; je crois que c’est la lettre E, comme Enfance :
Ecrire, c’est témoigner de la vie. C’est témoigner pour la vie. C’est témoigner, alors, pour, au sens où on le disait, pour les bêtes qui meurent. C’est… bon, c’est bégayer dans la langue. Faire de la littérature… Faire appel à l’enfance, c’est typiquement faire de la littérature sa petite affaire privée. C’est la dégoûtation. C’est vraiment la littérature de Prisunic, de bazar, c’est les best-seller, c’est la vraie merde, ça. Si l’on ne pousse pas le langage jusqu’à ce point où il bégaie, parce que ce n’est pas facile, il ne suffit pas de bégayer bbb… bbb… bbb… comme ça ! Si on ne va pas jusque-là… Alors, peut-être que dans la littérature, comme… à force de pousser le langage jusqu’à une limite, il y a un devenir animal du langage même et de l’écrivain, il y a un aussi devenir enfant, mais ce n’est pas SON enfance… il devient enfant, oui. Mais ce n’est pas son enfance, ce n’est plus l’enfance de personne. C’est l’enfance du monde, c’est l’enfance d’UN monde. Alors, ceux qui s’intéressent à leur enfance, qu’ils aillent se faire voir, et puis qu’ils continuent, c’est très bien, ils feront la littérature qu’ils méritent. Si quelqu’un ne s’est pas intéressé à SON enfance, c’est Proust, par exemple. Les tâches de l’écrivain, ce n’est pas fouiller dans les archives familiales, ce n’est pas s’intéresser à son enfance. Personne, personne ne s’intéresse, personne de digne, personne de digne de quoi que ce soit ne s’intéresse à son enfance. C’est une autre tâche de devenir enfant par l’écriture, arriver à une enfance du monde, ça, c’est une tâche, ça, c’est une tâche de la littérature.