Choix musicaux Autrefois, aujourd’hui, je détestais les compilations. Chez les artistes les plus communs, les mieux partagés, les monstres que malgré tout on adore, on ne sauve de trop de morceaux que de sempiternelles scies. Pire encore que les « Best of », les « Greatest Hits » ; on se demande si ces monstres plaisent parce qu’ils sont connus ou l’inverse. Comme de toute façon le parcours d’un artiste est inégal, on cherche à sauver les perles, les tentatives pus hardies, les risques plus sincères. Ce sont donc ces Choix musicaux.
Tracklist
1*. Sway
2*. Casino boogie
3*. Down in the hall
4. Stray cat blues
5. Hand of fate
6. I got the blues
7*. Monkey man
8. Rip this joint
9*. Ventilator blues
10. Fingerprint file
11*. Honky tonk woman
12. Can’t you hear me knockin ?
13*. Dirty work
14. Break the spell
15. Mother’s little helper
16. Beast of burden
17*. You got the silver
18. Might as well get juiced
19. Back of my hand
20*. Thru and thru
21. Shattered
22. Sweet black angel
23*. Worried about you
24. Tie you up
25. Sister Morphine
26. Memo from Turnerr
27. Tops
28. 19th nervous breakdown
29. No expectations
30. Midnight rambler
1, 6, 12, 25 : Sticky fingers, 1971
2, 8, 9, 22 : Exile on Main Street, 1972
3 : Emotional rescue, 1980
4, 29 : Beggars banquet, 1968
5 : Black and blue, 1976
7, 17, 30 : Let it bleed, 1969
10 : It’s only rock’n’roll, 1974
11 : Honky tonk woman, 1969
13 : Dirty work, 1986
14 : Steel wheels, 1989
18 : Bridges to Babylon, 1997
19 : A bigger bang, 2005
20 : Voodoo lounge, 1994
16, 21 : Some girls
23, 27 : Tattoo you, 1981
24 : Undercover, 1983
26 : London collection, 1989
15, 28 : Aftermath, 1966
* : version courte en un album : les indispensables.
Moi aussi longtemps je me suis levé tôt le matin en détestant les Best Of qui semblaient faire rigoureusement l’inverse de leur titre pompier, sélectionnant le pire avec un goût sûr, éjectant d’instinct le plus singulier, le plus touchant. Quelquefois, quand les astres s’alignent, un morceau est à la fois bon et un succès marchand, et il se retrouve un peu par hasard dans le Best Of du pire, comme un accident.
Autre chose est la question de la compilation, faite à la main en quelque sorte. Elle manque toujours son but si elle se croit universelle, mais elle a l’immense mérite sur ses concurrentes marchandes d’être un point de vue singulier, ouvrant une perspective qui fait reconsidérer une œuvre que l’on croyait connue. Bien sûr on est pas d’accord puisqu’on a un autre point de vue, et l’écoute musicale en chambre (à laquelle correspond généralement la compil) est toujours comme un solipsisme. Mais bon.
Il y a deux sortes de compiles, virtuelles (comme la liste), ou réelle (plus contraignante, elle réclame une bonne succession, comme un DJ qui sait se faire enchaîner des choses connues en les renouvelant par une succession incongrue, ou au contraire fluide) :
– la perso, elle se doit de faire sentir précisément ce point de vue singulier dont il est question.
– La dédicacée, touchant cadeau. On calibre le choix et la succession en ciblant par empathie une sensibilité autre, que l’on tente d’exprimer par ce biais, tout en proposant en contrebande ses propres choix en une intime et bordélique négociation interne, et le plus étonnant est que bien foutu ça marche, la personne se retrouve et s’étonne elle-même de se retrouver dans des objets symboliques sonores qu’elles ne connaissaient pas.
Le mieux c’est la cassette, cet objet désormais vintage. Parce que son format limité oblige à faire des choix, que comme un vinyl il y a deux faces, qui invitent à la structure, à la forme, même simple, et qu’elle garde la trace sonore des objets qu’elle pille et leur format (un bout de radio, un son de sillon, rien, ah c’est un CD). Et que l’on peut la décorer façon kitsch. Et paf on l’offre à son/sa destinataire qui n’en peut mais, va falloir écouter tout ça.
Quant à la liste c’est marrant, c’est comme une écoute silencieuse, on se remémore en quelque sorte, ça fait comme un oxymore, une émotion théorique, un monstre logique.