[La pratique herméneutique]
Par où commencer ? Le livre qui porte le Livre est dense, bigarré et, pour tout dire, brouillon.
Il existe deux manières de lire un livre, du point de vue de l’herméneute : ou bien, classiquement, suivre l’ordre des lettres qui forment des mots qui forment des phrases ; cette manière est confortable, mais de par le fait, elle délaisse la troisième dimension qui fait un texte ; l’autre manière est plus organique ; pour donner une image commode, c’est celle de la vrillette (Lasioderma serricorne ou Stegobium paniceum) qui est la plus frappante.
La vrillette perfore transversalement la liasse de papier.
Je peux vous en parler, moi-même, qui ai dû lutter becs et ongles contre cette infestation de la bibliothèque, l’immense bibliothèque que j’ai réussi à glaner au fil du temps, laborieusement et patiemment échafaudée par de multiples voyages, et un indubitable investissement financier, et que j’avais mis en magasin dans un entrepôt à Aubervilliers, en banlieue parisienne ; et quel ne fut pas le sentiment de panique, puis d’abandon et d’abattement en constatant l’étendue des dégâts !
Je voulus mourir. Me laisser envahir de mélancolie et de vermine, m’abandonner à l’infime dentition des bestioles, être grignoté indéfiniment…
L’étendue des dégâts : si ceci ne s’appliquât (sic) pas parfaitement au désastre albertivillarien, tel pourrait être le titre de cet ouvrage déstabilisant, décrirait parfaitement la manière dont vous profitâtes, scribes (sic) peu scrupuleux, du Livre que vous croyiez poursuivre…
Las, de la bibliothèque ! Les livres sont surtout présents dans nos esprits, pas sur le papier. Je me suis rasséréné. Je me suis retapé. Les livres, si je les avais-je lus, ne les avais-je pas déjà lus ? Ne les avais-je pas déjà ingérés ? Faisons comme les vrillettes, et attaquons-les, ces mots, ces pages, de front, de face. C’est ce que vous décrivîtes grossièrement comme « inquiétude », dans l’un de vos essais, qu’il convient d’appliquer : une herméneute [sic] de combat, qui s’abstraie de la lecture linéaire, une lecture de l’excavation, une critique grenadière !