Je marche avec ma fille sur les Plaines, parsemée de pommiers, je pense, de vergers isolés. Nous arrivons à l’ombre de l’un de ces arbres ; de grandes fleurs roses-pourpres, en grand nombre ; je n’en ai presque jamais vu, dans ma vie, mais ils me semblaient aussi communs et connus que des pâquerettes. « Des sérapias », dis-je à ma fille, « des orchidées très rares »…
J’arrive avec un cheval blanc, comme tous les chevaux, immense, dans un espace très confiné et labyrinthique, à la structure difficile, ingrate, mais pas spécialement étouffant, plusieurs parois manquent… Puis tout s’ouvre, je dois trouver un moyen de laisser ce grand cheval blanc. Je suis très gêné, je sais que je me dis, tant pis je l’attache à un poteau de ferraille, je ne viendrai que demain. Puis je constate, discutant avec quelqu’un qui passe par là, que ce cheval n’a pas de tête. Pas facile de garer un cheval sans tête. Je savais très bien que cela gênerait, que cela serait insupportable à ceux chez qui j’allais.
Le troisième rêve a longtemps flotté comme en apesanteur de ma conscience, plusieurs jours durant et je vérifiais mentalement qu’il était bien là présent, et chaque fois il me faisait comme un signe, avec les deux autres. Mais c’est comme un chrysalide qui échoue, la forme est là, mais c’est un masque vide. J’ai observé des chenilles cet été ; parmi elles, toutes les métamorphoses ne « marchent » pas ; certaines s’arrêtent en route ; d’autres ne démarrent jamais. Mon rêve était une chenille chrysalidée qui semblait complète et réussie. Mais quand il a fallu l’écrire, sa coquille brisée, sa carapace délicatement écartée, il n’y a plus rien. Les rêves sont comme les fantômes : ils désignent l’absence, et parfois l’absence ne renvoie qu’à elle-même.