Encore un domaine du monde, passé en langage pur, qui peut être creuset de poésie, de littérature. Et qui nous est fourni par la richissime vie du web, cette arachnofolie.
Un mème (gène + mimesis) est littéralement un élément (de langage souvent, mais pas seulement : un habitus, une habitude, un trait de langage, une portion d’imaginaire) qui définit une identité culturelle. La mémétique est censée observer et classer les manifestations de ces mèmes.
Là où l’on saute peut-être la marche psycho-sociologique (a priori, cette mémétique serait une branche de la sociologie, voire de la psychologie) c’est quand ces mèmes ne semblent toucher que l’univers du web.
Fidèle au principe liminaire (ou postulat si l’on veut) qui veut que tout univers de représentation (tout monde imaginaire : qu’il soit personnel, social, fantasmé, esthétique ou artistique, etc.) est fictionnel et que toute fiction n’est pas moins réelle que le réel (Borges), le passage en revue de certains d’entre eux pourrait nous aider à concevoir le web non comme un simple support technique (comme l’est un livre par exemple — encore que), mais comme une réalité alternative, une autre manière pour chacun d’entre nous d’exister. La grande différence avec le livre ou la culture en général (celle issue du livre), c’est l’interaction immédiate qui soudainement creuse la surface de l’écran et offre une multitudes de chemins, de réactions, de renvois, de réponses.
Là où le monde du livre apparaissait comme un monde total mais quasi inerte (et ce encore jusqu’avant l’industrialisation du livre — qui est plutôt une fossilisation anticipée des usages), le monde du web (le monde du lien, le réseau, en somme) est un monde très parcellaire mais hyper dynamique.
Il est ainsi un écosystème, c’est-à-dire un morceau du monde, défini (c’est-à-dire possédant des frontières) dans le monde, et autorisant le passage de flux (c’est-à-dire que ses frontières sont poreuses, comme la peau, la membrane).
Les mèmes représentent ainsi un type d’éléments constitutifs (ou participant) de cet écosystème (il y aurait peut-être à vérifier les autres types d’éléments), et qui permettent de le reconnaître (ils sont identitaires, notion perplexe) ; ils sont également transitoires : ils se partagent de l’un à l’autre.
Il y aurait donc, là encore, un terrain d’exploration pour l’écriture. Pour le plaisir, une liste aléatoire et hasardeuse de mèmes, plus ou moins connus :
• la pastille de Mentos dans le Coca-Cola ;
• Ghyslain Raza ;
• all your base are belong to us ;
• chats ;
• les sorties de Chuck Norris ;
• ei, que puc tornar ja?
• I find your lack of…
• Flight of the Conchords ;
• Happy Tree Friends, etc.
Evidemment, les éléments en question font excessivement référence à la culture dite « geek » (Star Wars, mangas, Wow, etc.) et à la sphère culturelle anglo-saxonne. Mais l’influence croissante de la première peut tout-à-fait lui permettre de prendre le pas sur la seconde, et ce de manière transversale (comme internet sait le faire). Dans la mutation en cours, on se permettrait d’ignorer de manière hautaine cette culture vivace et vivifiante ?
(On trouve aussi un site qui essaie de relever les mèmes d’internet. C’est une mine d’idées et de terrains neutres : KnowYourMeme. Dans le même esprit, j’en profite pour indiquer le recueil des meilleures citations (quotes) des chats type Msn : l’excellent DTC = Dans ton chat. Je visite aussi très souvent un compte Tumblr qui rassemble la plupart des mèmes du web : This is the internet.)