Roger Nelson Prince est le permanent « performer » de la scène de musique dite populaire dans le monde depuis une vingtaine d’années. Il n’y a rien à ajouter, car il a tout dit et il parle toutes les langues. Et pourtant, il cherche, toujours, ailleurs.
Principal éperon du funk, il permet à cette musique de survivre devant une audience largement acquise au spectacle et pire : à la soupe des radios et télévisions. Il démontre qu’en rock, il surpasse allégrement tous les concurrents guitaristes et « frontmen » : c’est le cas lorsqu’il reprend Santana, les Rollin Stones, les foo Fighters, radiohead ou George Harisson (cf. pus bas) ; enfin, plusieurs disques ou musiques prouvent aussi qu’il est extrêmement à l’aise avec des musiciens de jazz, par exemple Xpectation en 2003.
Artiste accompli, , depuis son « retrait » de l’industrie musicale en 1993, voilà presque vingt ans, n’a jamais été aussi prolixe et prolifique.
Il l’a toujours été, ceci dit, et il a continué à l’être, même sans support des maisons de disques, de producteurs ou autres (il s’en est toujours passé). Pour son confort, il va être tranquillement épaulé de musiciens efficaces, inventifs, fidèles.
La liste est longue, dans le NPG (New Power Generation), mais on peut tout de même noter, comme compagnons récurrents, Larry Graham, Maceo Parker, Sheila E, Sonny T. et Michael B., Mister Hayes, Tommy Barbarella, John Blackwell, Rondha Smith, Renato Neto, Candy Dulfer, Greg Boyer, et Eric Leeds, et il y en a encore bien d’autres.
L’originalité de Prince n’est pas toujours aisée à comprendre ; en effet, il a semblé suivre les modes un temps (le hip-hop par exemple, ou la dance/techno), mais il parvient toujours à en tirer une épingle singulière, et cette épingle s’appelle musique.
On connaît tous le Prince des années 70 et 80, celui de Parade (Kiss) et Sign O’ The Times, et sans doute jusqu’à Cream et Sexy Motherfucker.
Prince récent, celui qui s’est donc nommé The Artist, ou TAFKAP = The Artist Formely Known as Prince, ou Love Symbol = , un peu, a changé. Il s’est converti aux andouilles de Jehovah. Il s’est abîmé une hanche, l’empêchant de danser comme jadis. Et il se consacre aux instruments, et notamment la guitare.
Dans le même temps, son combat pour la liberté de jouir de ses droits d’auteurs a fait couler beaucoup d’encre, et il est certain qu’il a, même avant Radiohead (dont on trouve la reprise de Creep par l’intéressé), inventé une manière de diffusion originale.
Du disque disponible uniquement sur internet (comme le bon The chocolate invasion ou The slaughterhouse), au disque vendu avec la presse (comme Planet Earth dans le Mail on Sunday britannique, ou 20ten dans Courrier International), des concerts improvisés, des jams imperturbables et des afters infinis, Prince a bouleversé certains rapports entre l’artiste et le public, entre l’auteur et le lecteur. Il réalisé une chanson en réponse à des fans qui l’ont accusé de retirer les vidéos des réseaux sociaux. C’est PFUNK, le son est riche, intelligent, incroyable.
Je glisse ici un certain nombre de vidéos qui sont apparues, ont disparu, sont réapparues sur l’internet. Elles valent surtout pour mesurer l’aboutissement musical de l’artiste.
Sommaire
1. TAFKAP
Là où il est absolument génial c’est sur la manière il a réussi, encore que très obscurément pour le public, à se défaire de la mainmise de la Warner sur son nom, son œuvre et sa carrière.
La vidéo date de cette époque, peu avant Emancipation (1996). Il porte alors le nom imprononçable du symbole d’amour, parce qu’il n’a plus accès par contrat au nom de Prince. Il publie des albums médiocres, pour en finir avec ce contrat (Chaos and disorder (1996) étant le pire de tous). Et il fait énormément de concerts puisque les disques ne sont plus les siens. Voici une reprise du « hit » de Larry Graham (bassiste original de Sly Stone, qui deviendra l’un de ses protégés — ou réciproquement), l’inventeur de la technique du slap sur basse. Le titre est The Jam et le groupe NPG est l’un des plus musclés qui soient, avec une section rythmique fabuleuse, Sonny T. et Michael B. Mais la chanson présente les musiciens.
Prince • The jam
Get the Flash Player to see this player.2. Instrumental
Voici Poor goo, une chanson peu connue parue sur un album pirate produit par l’artiste lui-même, The Undertaker, (et la liste est longue, entre chutes de studios et enregistrements live). On y retrouve Sonny T. et Michael B. dans un power trio déchaîné. Prince fait état de ses talents de guitariste. C’est à partir de cette période, également, qu’il enchaîne les concerts mais aussi les projets et notamment ceux liés à l’internet… perdant au passage à la fois la fame et l’attention du public.
3. Prince consacré : récompenses
Après un long silence consacré à la scène (les disques bruyants étant silencieux), Prince retrouve le goût du disque et du single. The rainbow children, malheureusement ponctué de sermons jéhovistes, est un net retour au funk et aux instruments. Puis, Musicology et 3121 lui permettent de se réconcilier les anciens publics. Il reçoit alors une série de récompenses lors des cérémonies desquelles il démontre, une fois de plus, ses talents de musicien et d’interprète. Il en profite pour récupérer une aura et un respect qu’il avait perdus et dont il tient à montrer l’éminence. Il réalise ainsi plusieurs apparitions télévisées dont certaines sont époustouflantes.
Voici donc The everlasting now chez Jay Leno, avec Rhonda Smith à la basse, Sheila E. & John Blackwell aux percussions, Maceo Parker qu’on ne présente pas, et Renato Neto aux claviers, un groupe qui l’accompagne en tournée en 2004 (certains dès 2002).
4. Prince adoubé : Montreux
Parvenir à Montreux est un aboutissement et surtout la reconnaissance de la frange raide de la profession. Prince y joue en 2009, après une série de concerts très remarqués à l’O2 de Londres et à Las Vegas. Depuis plusieurs années, Prince joue, revient aux instruments, à la guitare, mais aussi au piano et pourquoi pas au chant. La chanson est tirée de The chocolate invasion, elle est peu connue mais mérite le détour…
5. Prince viendra
C’est bien sûr sur scène — comme on vient de l’abasourdir — que Prince apparaît le plus génial, le plus fondamental, le plus indispensable. Je ne mets que trois exemples, tout à fait bluffant : le concert du Rock’n’Roll Hall of Fame où il participe au feu de la reprise poussive de While my guitar gently weeps.
Un autre exemple est cette version de DMSR, en 2006, où la chanson devient jam et performance spectaculaire et collective, démontrant une entente musicale entre les membres du groupe tout à fait ravageuse.
Enfin, on sait tous que Prince est un génie multiinstrumentiste. Ce petit solo de basse (2011) en est une récente confirmation. Il apparaît en 2009-2011 que Prince est au faîte de son talent, trouvant dans la scène et le contact avec le public cette énergie impérissable qui emporte.
La carrière de Prince et son œuvre ne peuvent se comprendre sans prendre en considération son ensemble, c’est-à-dire aussi les disques qui n’en sont pas.
Il faut y inclure les projets discographiques avortés, les concerts, les émissions de télévision, les albums disponibles en ligne, sans quoi on perd une grande partie du tout, à première vue bordélique et incontinent.
L’œuvre étonne et peut décevoir, mais lorsqu’elle emporte, c’est loin. Et c’est tout aussi souvent. Prince est la synthèse vivante, et donc monstrueuse, de Jimi Hendrix, Santana, Keith Richards, Sly Stone, James Brown et George Clinton. C’est évident, cela est même visible sur son visage lorsqu’il joue. Il est ainsi partout à la fois, et déroutant plus souvent qu’à son tour. Mais si on laisse passer l’impression première, on est embarqué, et on a du mal à ne pas lui pardonner.