Nous avons découvert, une amie et moi, que nous partagions le même intérêt pour les Rolling Stones. J’avais déjà tenté par le passé de produire un choix personnel de la vaste discographie du groupe. Comme celui-ci n’a, entre-temps, pas cessé de tourner, et, de loin en loin, de sortir des titres isolés, j’ai pensé lui offrir un disque fantôme, qui contiendrait le dernier titre Vivre en ville fantôme qui donnerait son titre. Sept morceaux qui ne sont pas sur des disques existant, mais éparpillés (2002 à 2020) sur les différentes et inutiles compilations dont le groupe est un grand fauteur. Au départ j’avais pensé leur adjoindre les deux morceaux originaux du live Flashpoint (1991), Highwire et Sexdrive, qui ne sont pas si mal, mais la production des années 90 est bien trop différente pour une intégration sans heurt. On pourrait peut-être les considérer en trouvant un enchaînement adéquat.
(On réalise que leur dernier album remonte à 2005 (A Bigger Bang), et que cela était il y a quinze ans (j’ai traversé deux vies durant ce même laps > Dieulefit > Taulignan > Gênes), et que depuis 2002 environ, ils n’ont pas arrêté de tourner, 23 concerts par an, en moyenne, sur cinquante années !).
Voici ce disque fantôme :
1. Doom and Gloom
2. Stealing My Heart
3. Keys To Your Love
4. Don’t Stop
5. One More Shot
6. Living In A Ghost Town
7. Loosing My Touch
x. Highwire
x. Sexdrive
En outre, j’avais déjà par le passé, cherché à rassembler mes morceaux favoris (les plus modernes en quelque sorte, les moins vieillis) ; j’ai adjoint cette compilation au précédent : bêtement intitulée Tongue & Lips, avec le logo du groupe comme simple pochette, elle se fonde plusieurs principes (les mêmes que pour Prince, Pink Floyd, Brassens ou Brel, déjà évoqués) :
– des chansons de qualités : celles qui sont le plus audibles à une époque où le groupe est ancien et où la musique rock n’intéresse quasiment plus ;
– un assemblage cohérent : ceci impliquait de mettre de côté des sons ou des modes musicaux démodés ou trop éloignés des standards ; techniquement toute la période de 1962 à 1967 ;
– une représentation des albums aussi large que possible : si on débute en 1968 avec Beggar’s Banquet, cela fait 17 albums, mais le dernier (Blue & Lonesome, de 2016, est constitué uniquement de reprises : voir point suivant) ; un album enregistré ou en cours de mastering devrait arriver, mais il a été retardé par la pandémie ; un extrait Living In A Ghost Town, diffusé sur les réseaux sociaux, pourrait intégrer ce choix, mais peut-être vaut-il mieux attendre l’ensemble (et puis il est dans le montage précédent) ;
– pas de live, pas de reprise ;
– un choix restreint : dix morceaux me semblaient un peu trop peu, alors j’en ai choisi vingt (plus une dizaine de rescapés supplémentaire, pour les fêtes).
1. Honky Tonk Woman (1969 – single)
2. Shattered (1978 – Some Girls)
3. Casino Booigie (1972 – Exile On Main Street)
4. Worried About You (1981 – Tattoo You)
5. Stray Cat Blues (1968 – Beggar’s Banquet)
6. Down In The Hole (1980 – Emotional Rescue)
7. Melody (1976 – Black And Blue)
8. Dirty Work (1986 – Dirty Work)
9. Back Of My Hand (2005 – A Bigger Bang)
10. You Got The Silver (1969 – Let It Bleed)
11. Tie You Up (1983 – Undercover)
12. Sway (1971 – Sticky Fingers)
13. Beast Of Burden (1978 – Some Girls)
14. Fingerprint File (1974 – It’s Only Rock’N’Roll)
15. Sweet Black Angel (1972 – Exile On Main Street)
16. morceau surprise, a scelta
17. Ventilator Blues (1972 – Exile On Main Street)
18. Break The Spell (1989 – Steel Wheels)
19. Laugh, I Nearly Died (2005 – A Bigger Bang)
20. Thru & Thru (1994 – Voodoo Lounge)
Il y a des morceaux ici absolument incontournables, à mon sens (et qui ne sont pas des simples), et qui ne devraient jamais manquer dans un choix stonien : Ventilator Blues et Sway, probablement les deux morceaux de bravoure absolus du groupe (et de Mick Taylor, secondairement). Thru & Thru et Honky Tonk Woman sont deux perles à peu près parfaites. Stray Cat Blues, Sweet Black Angel, Worried About You ou Shattered sont des morceaux secondaires mais géniaux. Je passe sur le détail. Avec ces premiers titres, les meilleurs disques des Stones sont présents, à juste répartition (trois titres pour Exile, c’est déjà beaucoup) ; j’ai cité T&T, j’ajoute qu’il me paraît normal qu’on trouve un morceau chanté par Keith Richards sur chaque disque. Dans le choix riche de morceaux tous à peu près parfaits, You Got The Silver me paraît encore la plus inspirée : on a donc huit titres des six meilleurs disques des Stones (plus un single et morceau de Keith), la quadrilogie absolue Beggar’s Banquet-Let It Bleed-Sticky Fingers-Exile On Main St plus Some Girls et Tattoo You… Restent dix titres, à choisir dans le reste du vaste catalogue.
Si on désire une certaine représentativité, on doit aller voir tous les albums, on peut commencer par les plus ingrats : ceux des années 80. Et c’est là que c’est étonnant ; à part Tattoo You, qui est un assemblage de morceaux plus anciens, Emotional Rescue, Undercover, Dirty Work et Steel Wheels. Le dernier est celui du retour, mais il n’y a pas grand chose d’impérissable. Les morceaux typiquement rock sont anonymes, ou franchement démodés (Rock And A Hard Place) ; or, à part le morceau de Keith (Sleepin’ Away), on trouve une petite pièce sans prétention, originale, bien exécutée et bien jouée (harmonica), probablement inconnue de la plupart : c’est celle-ci Break The Spell, typiquement jaggerienne, que j’ai retenue. Emotional Rescue n’a pas non plus de morceau particulièrement attirant, sauf deux perles : la chanson chantée par Keith, comme d’habitude, et un blues, absolument intemporel, Down In The Hall. Pareil pour Undercover, la plupart des titres sont aujourd’hui inaudibles (Too Much Blood ; même la chanson de Keith est médiocre), mais j’ai toujours aimé Tie Your Up, qui fait partie du même format que les précédents. Reste le cas de Dirty Work : album honni, parce qu’il est celui de la séparation, de effondrement de Charlie Watts, de la mort de Ian Stewart, il n’en reste pas moins que c’est un solide album de rock, sauf quelques errances très « eighties » (Back To Zero), avec deux reprises et un morceau caché (reprise aussi, Key To The Highway de Big Bill Bronzy interprété par le seul Stewart) ; et en effet, Dirty Work, le morceau éponyme, est l’un des tout meilleurs des Stones, avec un final ahurissant (batterie syncopée, delay, voix et paroles hantées)… et totalement oublié de tous…
Dans les années 90 à 2010, s’ils tournent beaucoup, les Stones produisent peu (en même temps qu’auraient-ils de nouveau ou d’original à dire ?) : quatre albums. Peut-on sauver quatre chansons ? Eh bien oui : le dernier album, étant l’un de leurs meilleurs (disons le 7e ou 8e meilleur album), plusieurs chansons sont en lice, dont Back Of My Hand et Laugh, I Nearly Died : dans cette version je les ai mises toutes les deux ! Je ne sais pas si on ne pourrait pas substituer à la première un autre blues, celui de GHS, Hide Your Love. Pour Voodoo Lounge, on a déjà choisi la chanson de Keith (et des Sopranos) ; concernant Bridge To Babylon, je suis très partagé ; je ne parviens pas à trouver un morceau potable, à part le single Anybody Seen My Baby, enfin si, seulement un : Might As Well Get Juiced, qui est très bien, très puissante ; toutefois, le son des Dust Brothers le relègue un peu, probablement pour un 3e ou 4e volume !
Les autres albums des années 70 sont difficiles : ils cherchent à reproduire et faire évoluer le son, mais il est évident que succéder à Exile… n’est pas une paire de manche. De fait Goat’s Head Soup me paraît trop hétéroclite (et aussi un peu trop glam, je ne sais comment dire, le son est un peu négligé), sauf l’étrange 100 Years Ago (et éventuellement Winter), et It’s Only Rocn’n’roll est intéressant soit pour les reprises soit pour les excursions funky : c’est donc Fingerprint File qu’on garde. Enfin Black’n’Blue, album de transition à la recherche d’un guitariste suite au départ de Mick Taylor, et également collaboration étroite avec Billy Preston, présente des morceaux solides, et on peut conserver sans problème Hand Of Fate, peut-être même Hey, Negrita et Hot Stuff, mais c’est au final Melody, qui transcende la voix de Jagger et le piano de Preston qui gagne.
La piste n°16 peut être un joker, choisie entre des morceaux presque équivalents, ou bien sélectionnés pour des raisons de nostalgie ou de bienséance : un morceau pré-68, comme 19th Nervous Beakdown (1966 – single), ou même The Spider And The Fly (1965 – single), Flight 505 (ou Mother’s Little Helper) (1966 – Aftermath, premier véritable album, conçu comme tel, et non ensemble de singles), ou In Another Land (ou She’s A Rainbow) (1967 – Their Satanic Majesties Request), My Obsession ou Back Street Girl (1967 – Flowers), ces petites pépites mal connues – et qui n’ont pas trop mal vieilli ; initialement j’avais mis Hand Of Fate (1976 – Black And Blue), mais je me dis aussi qu’on pourrait exhumer un morceau de Goat’s Head Soup, dont je ne suis pas grand goûteur, puisque j’ai vu et entendu que le remix qui vient de sortir peut sauver 100 Years Ago ou même Hide Your Love ; un autre morceau de Tattoo you (Tops, No Use in Crying ou Some Girls (Some Girls, Respectable) est aussi possible..
D’où, d’aillleurs, un troisième disque, dont on voit toutefois tout de suite qu’il est bancal.
1. Monkey Man (1969 – Let It Bleed)
2. 100 Years Ago (1973 – Goat’s Head Soup)
3. Tops (1981 – Tattoo You)
4. Sister Morphine (1971 – Sticky Fingers)
5. She’s A Rainbow (1967 – Their Satanic Majesties Request)
6. 19th Nervous Breakdown (1966 – single)
7. Respectable ou Some Girls (1978 – Some Girls)
8. Jigsaw Puzzle (1968 – Beggar’s Banquet)
9. Might As Well Get Juiced (1997 – Bridge To Babylon)
10. Sleeping Away (1989 – Steel Wheels)
Mais au moins, toutes les époques et tous les disques sont maintenant représentés. D’autres morceaux possibles, pots-68 et outre ceux déjà cités : No Expectations, I Got The Blues (1971), Rip This Joint (1972), All About You (1980), Sexdrive (1991), Suck On The Jugular (1995), Back Of My Hand (2005) et donc Living In A Ghost Town (2020). Peut-être peut-on ramasser vingt autres titres et proposer un Tongue & Lips II, mais je pense que les compilations doivent se penser comme des disques, contenus dans les 10 titres-45 minutes. Mixer les 40 titres (ou 50, ou 60 pour fêter quelque chose) me semble par trop périlleux et gymnastique.
1. Living In A Ghost Town (2020 – single)
2. Rip This Joint (1972 – Exile On Main Street)
3. Suck On The Jugular (1994 – Voodoo Lounge)
4. Some Girls (1978 – Some Girls)
5. Sexdrive (1991 – Flashpoint)
6. Back Street Girl (1967 – Flowers)
7. No Expectations (1968 – Beggar’s Banquet)
8. No Use In Crying (1981 – Tattoo You)
9. Flight 505 (1966 – Aftermath)
10. All About You (1980 – Emotional Rescue)