Où l’on apprend que…
§ J’en aurais, des choses à dire, à écrire, mais à chaque fois • rien. Je me trompe moi-même en m’activant à des tâches ingrates, dénuées de sens. J’ai ainsi lavé trois fois le sol cette semaine. Je suis sortie deux fois en voiture, mais nulle part, j’ai tourné autour du village, et suis rentrée. Un jour, j’ai feint d’aller visiter une cousine, que j’ai inventée pour l’occasion (et qui me sert régulièrement depuis), et suis allée prendre le train. A la première gare suis descendue, ai trouvé un hôtel et pendant trois jours suis restée là, assise sur le lit, à regarder les fleurs immondes de lys de la tapisserie. J’ai dormi, beaucoup je crois.
§ Je crois que les enfants me prennent pour une folle. Parfois je reste la matinée entière assises dans la cuisine, plongée dans mes pensées, devant les bols et les miettes laissés par eux tous. Le premier est arrivé vers onze heures, je n’avais pas bougé. Quant à mon mari, on ne sait jamais ce qu’il pense celui-là. Il ne m’a pas embrassée, ne m’a pas caressée, ne pas touchée depuis au moins dix ans. Je le répugne. Parfois j’ai envie de le chevaucher, j’en ai envie, une femme, une épouse qu’aucune déviance ne vient poignarder, peut bien mériter son dû non ? D’autant que si je suis folle, je ne suis pas encombrante. On me range, on me déplace, et je ne grommelle jamais. Quand ses amis viennent le voir, il dit — je l’entends clairement même depuis la penderie, la chambre ou la cave, quelque endroit où il daigne me tenir éloignée, invisible — il dit que j’ai profité de la soirée pour aller voir mes amies. Mes amies les araignées ; mes amies les peurs dans le ventre. Mes amies-moi.
§ Qu’il s’abaisse à me parler, ô Seigneur, qu’il s’autorise à croiser mon regard. Qu’y puis-je si mes yeux sont plus grands que les leurs, que leur cerveaux, que leur vie bien ficelée, cloisonnée ? Qu’y puis-je si on y meurt y plongeant. Je l’ai eu une fois, je ne l’aurai pas deux. Tu es le Seul à qui je me confie. Je ne sors plus. Le confessionnal ne me convient pas, et depuis que Mgr Karst est décédé, on a droit a un remplaçant qui effectue son service sur toute la paroisse. Il n’a pas le temps pour nous. Ah nous sommes bien seules, délaissées, mais telle est Ta volonté, et nous expions pour nos fautes commises. Nous le savions, que nous allions pêcher. Je l’ai sur quand la première fois il m’a enlacée du regard, presque déshabillée. J’en viens à douter de la pertinence du mariage y compris pour nous autres pauvres brebis égarées. Ce n’est que foutre et forfaiture. Je crois que mon mari est le Diable. Je le vois à la manière dont sa queue est rougie par le feu. Oh comme je voudrais qu’il me châtie encore avec son turgescent • Amen.
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