Où l’on apprend que…
§ J’étais dans le train, complètement assommé. Le train me berce et souvent je m’endors, mais j’étais encore plus naze parce que j’avais pas dormi, ou mal, et j’avais passé toute cette foutue journée à Lyon dans une réunion à la con, avec des connards dont la vie se résume à leur PIB. Je souffre de plus en plus d’une maladie qui pourrait s’appeler dégoût — ou lassitude — ou ennui. Mélancolie peut-être.
§ C’est parce qu’il s’est mis à ronfler que je me suis rendu compte de sa présence —
§ Mon voisin — enfin on n’était pas côte à côte, faut pas exagérer — portait un perfecto. Le froid dans ce foutu wagon de TER atténuait son odeur, mais ça se voyait à ses vêtements, à sa gueule, qu’il puait. Il avait un pansement sur la main, sur lequel on voyait les tâches faites par ses phalanges en sang. Le genre de détail qui te fait tourner la tête. Il s’est réveillé d’un coup et m’a demandé l’heure. Je lui ai dit que je n’en avais aucune idée. — T’as pas l’heure ? Genre t’es un con si t’as pas l’heure. Je ne lui ai pas fait remarquer que lui non plus, puis il s’est frappé le front en disant « Mais j’ai mon portable », puis il a ajouté : « Comme ça je vais te la donner ». On s’est remercié. Je ne sais pas ce qui est le plus réconfortant, ni même si ça l’est d’ailleurs ; que des expressions soient actualisées dans le réel (se frapper le front) ou que des réflexes ne soient pas pris (téléphone ≠ horloge). Bien qu’il soit une espèce de clochard demeuré, ce type m’a illuminé la soirée.