Jour 9. Rione X. Campigoglio ; Rione I. Monti ; Rione XVIII. Castro Pretorio ; Nettuno (RM).
Retour aux Fori. J’observe tranquillement le versant sud des forums ; il est tôt, il y a une brise légère, peu de touristes encore, des plantes. Je parcours les rues qui entourent cette partie du forum et qu’on ne voit jamais : je suis arrivé par la piazza et la via della Consolazione, je prends la via Foro Romano, puis traverse le Velabro jusqu’à l’Arc de Janus puis le Cirque Maxime que je longe jusqu’au Colisée et à l’arc de Constantin. Là la foule est arrivée. Des milliers de personnes partout, de commentaires absurdes, de cris divers. Je fuis au plus vite vers les forums impériaux, beaucoup plus calmes, et me faufile enfin à travers le forum de Trajan par le passage qui mène à la piazza del Grillo.
J’en ai pratiquement fini avec ce quartier antique. Je monte maintenant sur le Quirinal (là encore, disposition des rues complètement rouillée par la mémoire). Après avoir fumé une cigarette sur piazza del Quirinale, élégante et vide, je monte la rue homonyme et tourne aux « quatre fontaines » en direction de piazza della Republica, que je voulais revoir. J’y suis plus ou moins passé, en allant à la gare, mais sans faire attention. Je revois les thermes de Dioclétien, imposants, si liés à notre imaginaire romain, mais tellement éloignés de César (IIIe-IVe s.).
Une longue dérive via Nazionale et autour de ces places achève une ville désormais (à cet endroit) semblable à toutes les autres. Tellement semblable même que je mange au Burger King.
Dans la soirée, je prends le train pour retrouver des amis à Nettuno/Anzio. Ah ça oui, j’aurais aimé visiter la villa de Néron, qui y naquit, ainsi que Caligula, qui pensa y transférer le siège de l’empire, le cimetière où est enterré le père de Roger Waters mort dans la bataille d’Anzio lors du débarquement allié (il y a juste soixante-dix ans, tiens) et qui fut à l’origine de The wall et de The final cut. Mais Nettuno/Anzio [Antium] est une station balnéaire fabriquée en pizza, en uniformes, en ennui fardé de loisir.
Jour 10 et dernier. R.XX. Testaccio ; R.XXI. San Saba ; R.XIX. Cielo ; R.XV. Esquilino ; R.IV Campo Marzio ; R.XIV. Borgo
Revenu à Piramide pour motif botanique, je prendrais finalement le premier bus qui passe. La jambe ne permettra pas de marcher longtemps aujourd’hui. J’ai eu de la chance car le premier bus qui est passé était le 3, qui part de Trastevere et atterrit villa Borghese.
Je fais ainsi un grand détour est de la ville, plein de charme et de découvertes. Via Piramide Cestia, via Aventino, via San Gregorio (qui permet une vue surélevée sur le Colisée et alentours), piazza Colosseo, via Labicana, via Meruna jusqu’à l’imposante et munificente place de Saint-Jean-de-Latran, la toute première église du monde et ancienne résidence des papes, le viale Carlo Felice à proximité de l’aqueduc de Claude, et puis enfin la Porta Maggiore qui me fait sortir de la ville antique. On se dirige encore vers l’église San-Lorenzo Fuori le Mura, pour bifurquer le long de la Cité universitaire viale Regina Elena. On poursuit sur ces boulevards et dans ces quartiers périphériques jusqu’à rejoindre (v. Regina Margherita, v. Liegi) le Pincio et arriver finalement dans les somptueuses villas de la Villa Borghese. Le bus s’arrête après la galerie d’art moderne.
Je n’ai pas d’idée sur la ville. Je grimpe la colline et redescend vers le piazzale Flaminio et piazza del Popolo, autre place que je voulais revoir. La suite est une autre dérive, en bus (vers la piazza Mazzini d’abord, puis del Risorgimento, rive droite), puis après avoir croisé à nouveau le Mausolée d’Hadrien, et à pied, pour se faufiler tout de même jusqu’à la piazza Navonna, malgré la chaleur et les touristes, cette fois étouffants, pour d’autres raisons externes.
Je n’ai plus d’idées sur la ville. J’ai marché beaucoup, et assez mal, je dois dire, étant données les conditions.
J’ai dû laisser mille quartiers de côté — et sans doute plus intéressants. Je me suis concentré sur l’Antiquité, négligeant totalement le Moyen Âge, la Renaissance ou l’époque moderne. Mais j’ai plongé ainsi à la fois dans mes souvenirs, et dans l’imaginaire qui fait que les souvenirs peuvent s’enraciner.
C’est évidemment la Rome antique qui attire en premier car elle est à la fois modèle urbain et ruine urbaine, mémoire concrète avec ses dégâts collatéraux, et puis cet arbitraire représenté à la fois par Auguste mais aussi l’Ara Pacis, arbitraire du télescopage des temps sur l’écran de la mémoire, cet anti-temps (cet antirouille du temps).
D’immenses étendues ont été délaissées : Tiburtina, EUR, Spinaceto, etc. On pourrait leur consacrer un vrai travail, entre leur apparition naissante dans les films et leur chroniques d’aujourd’hui. Je me suis limité à ce que le pas malhabile peut enchâsser. Je reviendrai.
Je n’ai certes pas l’ambition du travail effectué pour Gênes, mais je me rends compte que je n’ai pas non plus parlé du GRA ou de Roma Capitale. J’ai noté ces mots au fil des jours, avec modestie, pour ne pas dire nonchalance (nonchalance abîmée par la douleur), et l’intention peut-être, personnelle et sans doute secrète ou inavouée, de rabibocher des figures, des paysages, de mon passé.