La radio a trouvé en internet un allié inattendu.
Alors que les médias vendus aux intérêts marchands, télévision en tête, pour concocter des lois ineptes et méchantes qui ne servent que les grandes industries faussement culturelles comme la Fnac, MK2 et autres bourreaux, la radio, elle, dans son petit territoire circonscrit dans la nuit, résiste.
La disparition de Jean Couturier, à cet instant précis passée totalement inaperçue, sinon sur France Culture, permet de rappeler le travail effectué par cette station, qui demeure, malgré les restrictions propres aux paysages de ce monde et à Radio France, dans le champ de la production radiophonique.
Beaucoup se plaignent du glissement, ou de l’exigence, c’est selon. Il n’y a qu’à visiter les commentaires aux articles du blogue de Jean Lebrun, Quai de Seine, pour s’en faire une idée.
Pourtant je ne connais pas de radio en France qui se permette d’offrir à ses auditeurs des émissions aussi particulières que Métropolitains de François Chaslin, Terre à terre de Ruth Stégassy ou Du grain à moudre de Julie Clarini & Brice Couturier, ou même, sur les pratiques numériques, Place de la toile, de Xavier de la Porte . Je ne connais pas beaucoup de stations qui possèdent des documentaires aussi pertinents que ceux de Sur les docs ou Les pieds sur terre de Sonia Kronlund. Enfin je ne vois pas de radio qui œuvrent pour la fiction, démontrant s’il le fallait encore, que le récit transcende tous les genres (Fictions par exemple).
Et nous avons alors ces émissions inédites plus qu’inaudibles, que sont L’atelier de création radiophonique de Philippe Langlois et Franck Smith, ou, surtout Les passagers de la nuit de Thomas Baumgartner.
J’écoute la radio le jour en travaillant, je l’écoute aussi la nuit ; elle ne me rassure pas, ni ne me berce, elle ouvre des paysages sonores inattendus ; la nuit on entend des émissions anciennes, des émissions incroyables de 1948 ou de 1972, avec la voix de Camus, de Vialatte, ou de Thierry Maulnier ; j’y puise un peu plus que de la matière à rêve. Je m’y enfonce avec une espèce d’entente, de sérénité entendue, et du corps se détache le récit pur.
La disparition de Jean Couturier ne fait pas de bruit.
Ni la radio ne fait de bruit, sauf en ses antichambres politiques et tristes (ô ce qu’est devenue France Inter).
La radio ne fait pas de bruit, elle bruisse.
Ainsi ce soir nous avons la chance d’entendre Le château de Franz Kafka qui sera encore disponible une semaine.
Comme il a quelques semaines l’avant-première de l’opéra de Thierry Lancino, Requiem, dont le livret est écrit par Pascal Quignard.
Que cet hommage au travail des producteurs de France-Culture se transforme en un hommage à Jean Couturier, qui les incarne encore tous.