Sur la tradition populaire
Difficile aussi de faire le lien entre culture populaire et tradition populaire ; là encore, les grandes machines pétrifiantes, les méduses officielles œuvrent à plein régime : on ne compte plus les institutions, les labels, les reconnaissances du patrimoine local, qu’il s’agisse de pierre, de cuisine ou de culture immatérielle.
Il devrait pourtant exister des cultures patrimoniales populaires, celles qui font tout le sel de nos déplacements touristiques de par le monde, non ? Eh bien en France non. Tout a été éradiqué dans le pire des cas, dans le meilleur artificialisé ; prenons la culture populaire provençale : des pierres, une cuisine, une langue, de la poésie et de la musique extraordinaires ! Un morceau d’Italie en France ! Eh bien voyons ce que sont devenus le tambourinaïre et le galoubet, la Côte d’Azur et les treize desserts, l’Isle sur la Sorgue et les Baux, les gauchos de Camargue… Du folklore débilisant, inauthentique, parfumé et sucré et surtout complètement fabriqué (fabriqué déjà par le Félibrige, pourtant contrecarré par Giono ou Char contre Mistral et Pagnol), comme le non-talent d’un Daniel Auteuil dans un telenovela provençaliste. Alors que la poésie des troubadours fut le plus riche et la première du pays, aujourd’hui le moindre accent méridional fait passer la plus docte des archéologues datarisées pour une vulgaire cagole supporter de l’OM.
La puissance de l’état (qui prend le pas, dans ce cas, sur la nation, qui devrait transcender ses particularismes locaux), la voracité du plan, la rationalisation capitaliste des années 50-60, ont permis ce massacre des patrimoines, mais aussi, dans le même temps, les habitudes de consommations contre-culturelles (les yéyés sont-ils de dangereux anarcho-syndicalistes ?), le passage du patrimoine (du passé) et de la nation (des frontières politiques) de l’idéologie de gauche à l’idéologie de droite, etc. La campagne, qui est toujours un far-west, est le lieu où cela se passe (la France étant essentiellement rurale), et si la grande distribution est le bras armé de la destruction culturelle, les institutions qui sont derrière ne sont pas en reste : le Crédit Agricole avec la FNSEA avec le RPR.
Et c’est ainsi que nous perdîmes notre cuisine, nos patois, nos chants et danses, que avons uniformisé tous les centres historiques, gentrifié tous les villages un tant soit peu pittoresques, dans le Midi bien sûr, mais ailleurs aussi, à Rennes, Lille ou dans les campagnes autour de Paris.
Mais nous sommes confiants dans les lieux les plus reculés ; là où le capitalisme peine à entrer, avec sa couverture 3 ou 4G et ses zones artisanales et commerciales et ses offices de tourisme ; c’est là que se terre le futur, j’en suis persuadé.
restent des traces qui ne sont généralement pas ce qu’on affiche, mais une déformation du mode de vie commun, déformation de la tradition, mais authentique et discrète façon d’être dans la lignée