Note sur l’hésitation politique de la contre-culture
Contre-culture > libérer le désir, or ce ne sont pas seulement les relations de dominant à dominé qu’il faut changer (comme chez Marx) mais tout et donc en particulier le pouvoir qui érige le système, en soit les institutions.
On lutte contre les institutions, et de fait on évacue avec elles la politique. La figure du hors-la-loi est plus cool que celle du militant politique, mais comment ainsi refonder une société (et donc faire œuvrer la politique) ? Soit on fait confiance au temps, il faut du temps pour changer tout et la conséquence essentielle est l’absence de stratégie, et singulièrement de stratégie politique ; ou bien on suppose que la révolte en soi est une fin positive, que seul l’entre-deux, ou l’inquiétude, ou l’inconfort est souhaitable, ce qui, si ce n’était pas simplement absurde du point de vue historique, a pour conséquence une substitution des préoccupations personnelles aux enjeux sociétaux (l’œuvre de Michel Foucault en est un exemple frappant).
En outre, en déplaçant les enjeux de subversion des relations inégales au travail à l’oppression psychologique (via Freud et Marcuse), d’une part on subordonne les problèmes politiques aux problèmes culturels (Charles Reich) : la culture seule est en mesure de changer de modèle économique ; d’autre part on insiste sur le développement personnel plutôt que sur le destin collectif, ce qui augmente sinon entérine une certaine forme d’individualisme si propice au libéralisme, et tellement confondu avec le progrès social que revendique la sociale-démocratie (= social-libéralisme).
Enfin, et ce n’est pas rien, cela instaure et renforce l’idée que l’atteinte à toute norme relevant de la tradition est en soi radicale et, réciproquement, que la révolte doit passer avant tout par la guerre aux traditions, ce qu’on pourrait appeler du malheureux concept deleuzien de déterritorialisation. On conçoit alors que le libéral se frotte les mains.