Cristo si è fermato a Eboli, dissero. Dissero bene. Manco Cristo è venuto qua, manco il diavolo ce ne scelse casa. Bimbi qui non sopravvivono, o quando lo fanno, sono brutti e malvagi come bestie impazzite. Fu’ un giorno che un pastore scalzo venne in paese, che chiedeva l’elemosina lì sotto. Ci fu un gran calma durante qualche giorno, tutti in giro a chiedere chi era, da dove veniva, e perché stava qua. Durò però poco. Quando lo uccisero, le cose andrebbero a rovescia (Carlos Futuna, Futuro imperfetto)
Tu as vu les cimes râpées mais sans fromage ; les ponts majestueux des sorties d’autoroute, dont les fers perçaient le ciment de trop de chaleur ; un train lointain qui borde la mer ; l’ocre et l’olive.
Tu as vu des villages accrochés à la roche comme des chèvres s’engraisser et prendre la vallée ; des types étranges, noirs, mal fagotés, des pieds énormes emmaillotés de vieux tissus dégueulasses ; des filles superbes enceintes de noir avec deux dagues ; des seins blancs de neige ; des olives grosses comme des abricots et des abricots comme des oranges, et des oranges comme des melons ; une couverture faite de blés.
Tu as vu un orage tout à coup, qui rend la terre comme une éponge ; et l’éponge qui rendait l’eau pour devenir à nouveau fougasse cassante ; des gamins pieds nus qui courent dans des rues en ruine aux fenêtres desquelles pendouillent des tissus d’un blanc éclatant, aveuglant .
Tu as vu des poils drus sur des cuirs de bronze ; des statues manchotes, des églises abandonnées, des centres sociaux dévastés ; tu as vu des barbus tenir assemblée lors de l’occupation d’un palais du XVe ; des fleurs de courgettes jetées comme pour un mariage, et des riz devenus noirs de seiche.
Tu as vu des bateaux descendre leur marchandise de chair humaine, torve, les dents salies de travail, les mains comme des planches à découper la viande ; tu as vu les chairs rougies du premier agneau de lait sacrifié à la lune ; tu as vu les voitures bombarder les routes ; tu as vu le bal et le feu de joie, où les plus belles robes tournent aux bras des plus vilains costumes de velours rasés ; tu as vu les stucs et les marbres, les pilastres et les feuilles d’acanthe ; tu as vu les agaves perforant le ciel de leur fleur de trois mètres ; tu as vu les échafaudages tenir la ville ensemble, et leurs pieds posés sur eux-mêmes ; tu as vu les scooters entassés par milliers.
Tu as vu des tunnels franchir des montagnes écorchées d’immeubles sociaux et des viaducs perchés à des kilomètres ; eux aussi sont atteints d’ostéoporose et c’est un château de cartes de béton.
Tu as vu de vieilles croyantes réciter quinze fois le même ave Maria dans une église moderne aux formes psychédéliques.
Tu as vu des tas de poissons pourrir sur leur peu de glace, et s’envenimer. Tu as vu des pieuvres énormes, des poulpes brillants, des natures mortes dont les peintres sont des folles, aux bigoudis et aux blouses puant de tout ce non-sperme.
Tu as vu l’anguille, les anguilles, patienter leur heure dans le polystyrène expansé, qui sait ce qu’elles se disent, et comment elle nomment le maillet qui vient les prendre.
Tu as vu des morues sèches côtoyer des fruits confits aussi gras et sucrés que les premières ressemblent à des squelettes de bêtes inconnues.
Tu as vu des odeurs de pain frais à quatre heures du matin et des pluies passagères qui sont souvenir de sueur dans une nuit de sable.
Tu as vu des immeubles jamais terminés, et des ruines romaines aux fresques somptueuses, et des rues sordides où les rats bouffent des blattes, et des centres d’affaire rutilants de verre et d’acier, et personne pour habiter ces lieux, parce qu’habiter c’est croire en l’espace et cette terre est maudite.
Tu as vu des carrières détournées en décharges, et des maires corrompus, et des déchets nucléaires sur la plage, à côté des familles qui s’empiffrent de crème solaire, de rêves d’enfants et de gâteaux à la crème de pistache et saupoudrés de sucre glace.
Tu as vu des gamins sauter des rochers à vingt mètres dans une bassine d’eau turque. Et des sourires étincelants. Et des agrumes gros et pesants comme des seins et comme des culs et des fromages pétillants de leur ventre.
Tu as vu des après-midi mornes comme la messe et la ville abandonnée et l’asphalte en découdre. Tu as vu des promenades vespérales gonfler en un chœur de plaisir feint. Tu as vu des nuits brisées comme du verre et entailler la chair.
Tu as vu des sexes ouverts à l’amer, ouverts et stériles, tournés vers eux-mêmes, comme des panneaux de signalisation, et tu as vu ta carte d’associé de tout ce cirque cosmicomique.
Tu as vu des jardins arabes rebondir d’aubergines, de poivrons aigus et de fers à béton. Et les rigoles d’eau fraîche baigner des pieds plus solides que des sangsues.
Tu as vu des prostituées venues d’ailleurs perdre ici le peu de dignité qu’elles avait insufflé à leur corps en venant.
Tu as vu des Albanais, des Macédoniens, des Tunisiens et des Nigérians user leur unique costume chinois de bureau en bureau puis de champ en chantier, et finalement de frontière en frontière. Tu as vu des Chinois ouvrir des restaurants et des négoces en gros du nord au sud et de l’est à l’ouest, au plus sec, au plus chaud, au moins vif, au moins riche ; au plus risqué.
Tu as vu des échanges de cadavres et des montages douteux ; des urbanismes atteints de cancer ; des commerces grimaçant de détournements de fonds.
Tu as vu des réseaux mafieux.
Tu as vu la drogue déchausser les dents des uns, défenestrer les autres, et faire sauter une à une les briques de tuf des palais médiévaux.
Tu as vu des chiens errants, des chats errants, et parfois les rats errants qui les attaquent et les dépècent dans la rue. Car ici il y a ici deux chats et deux chiens pour un homme ; mais huit rats pour le même.
Tu as vu les mouettes et les goélands tourner au-dessus de la décharge, dans l’espoir qu’un nouveau corps brisé ne mérite leur attention.
Tu as vu l’eau de la mer moins salée que poivrée. Tu as vu l’eau de la mer vomir sur la plage des secrets honteux, des souvenirs imprécis, des augures indélicats et des armes, du plastique, des jouets, des dangers maintes fois repoussés, maintes fois revenus.
Tu as vu la mer, embrasser tout cela, ensevelir les villes et les plaines agricoles, déposer son lot de souffrance, envoyer ses fleuves au combat, dévaster les zones inondables et les zones de divagations qu’on n’aurait pas dû habiter .
Tu as vu la mer et le ciel, et figée entre les deux, entre deux dieux, tu as vu cette main, ce paysage ces paysans. Tu as vu la mer et le ciel dans l’intervalle desquels, divinités dérapées et séniles, se tiennent le monde et ses banlieues, ses heures creuses et ses heures sèches, ses nuits de théâtre et ses jours d’inutile.
& tu as vu la vie, la vie qui n’entrave que couic, dans ce glorieux et absurde stratagème.