Câest une chambre assez longue, anormalement Ă©troite, il sâen est dĂ©jĂ aperçu ; mais ce resserrement dâune piĂšce lĂ©gĂšrement mansardĂ©e lui donne lâaspect dâun couloir, par suite de cette prĂ©sence Ă lâune des extrĂ©mitĂ©s, prĂ©sence qui accentue le dĂ©sĂ©quilibre des dimensions.
Ce qui fait penser quâelle connaĂźt familiĂšrement la chambre, câest que lorsquâelle y entre, probablement sans frapper, et dâune maniĂšre si abrupte quâil a lâimpression dâĂȘtre lui-mĂȘme entrĂ© chez elle et de la surprendre dans cette attitude dâimmobilitĂ© Ă©tonnĂ©e, gĂȘnĂ©e, indignĂ©e, elle ne regarde pas, mĂȘme fugitivement, autour dâelle (comme ne peut manquer de le faire celui qui arrive dans un endroit inconnu), mais se fixe exactement dans la seule direction oĂč il importe quâelle soit tournĂ©e. Vers lui. Câest naturel. Ă condition quâelle vienne bien pour le voir, et non pas pour dâautres raisons qui lui Ă©chappent encore et qui justifieraient dâune façon plus satisfaisante sa dĂ©marche : si, par exemple, elle a saisi ce prĂ©texte pour sâintroduire dans la chambre Ă laquelle la rattacherait le souvenir de quelque Ă©pisode antĂ©rieur, dâoĂč lâimpression de familiaritĂ©, dâintimitĂ©, mais aussi de mĂ©sentente quâil croit avoir discernĂ©e entre elle et le milieu. Il se pourrait que sa prĂ©sence, le signe quâil lui a adressĂ©, les avances quâil lui a faites, aient brusquement rĂ©veillĂ© un passĂ© dont elle a subi lâattrait avant de le contrĂŽler ou, plus simplement, quâil y ait eu mĂ©prise et que, de loin, elle lâait pris pour quelquâun quâelle a dĂ©jĂ rencontrĂ©, mais quâelle dĂ©couvre Ă prĂ©sent nâĂȘtre pas celui quâelle avait identifiĂ©, encore quâil garde avec ce personnage les traits dâune ressemblance assez troublante pour empĂȘcher lâerreur de se dĂ©noncer tout Ă fait. Naturellement, il est libre de croire quâen rĂ©pondant comme machinalement et obligatoirement Ă son invite, elle ne fait que se soumettre Ă la pratique du lieu, sâil est vrai, comme il croit le savoir, quâune partie de lâhĂŽtel est rĂ©servĂ©e Ă de tels va-et-vient. Cette idĂ©e ne lui dĂ©plaĂźt pas.
â Quand il lui avait dit : « Venez. » â et elle sâapproche aussitĂŽt lentement, non pas malgrĂ© elle, mais avec une simplicitĂ© qui ne rend pas sa prĂ©sence plus proche â, nâaurait-il pas dĂ», au lieu de formuler cette invitation impĂ©rieuse, se porter Ă sa rencontre ? Mais peut-ĂȘtre a-t-il eu peur de lâeffrayer par son geste ; il veut la laisser libre et, si elle ne lâest pas de son initiative, libre encore de son mouvement. (Elle choisit un mouvement trĂšs lent, le plus Ă©tranger Ă lâhĂ©sitation Ă cause mĂȘme de sa lenteur, mouvement oĂč se retient lâimmobilitĂ© qui lui est propre et qui contraste avec la briĂšvetĂ© de lâinvitation autoritaire.) Câest donc bien un mot dâautoritĂ©Â ? â Mais aussi dâintimitĂ©. â Un mot violent. â Mais ne portant que la violence dâun mot. â La portant loin. â Atteignant le lointain sans lui porter atteinte. â Par ce mot, ne lâarrache-t-il pas au lointain ? â Il lây a laissĂ©e. â Elle est donc toujours au plus loin ? â Mais câest le lointain qui est proche.
Le mot nâest que le prolongement du signe quâil lui a fait. Le signe en durant se change en un mot dâappel prononcĂ© nĂ©cessairement Ă voix basse sur un ton dâimpersonnalitĂ© oĂč sâaffirme lâattrait de lâĂ©tendue. Mais le signe ne disait rien ? Il faisait signe en dĂ©signant. Mais lâappel est plus exigeant ? Il va vers ce quâil appelle. Mais il fait venir ? Seulement ce qui demande Ă venir en lâappel. Mais il interpelle ? Il rĂ©pond en appelant.