Les choses ont bougé. Même ici, sur A(i)L.
Il y a d’abord que des chantiers dans le chantier se sont ouverts, progressivement. C’est la joie d’internet, son expérience presque quotidienne, en tout cas continue. En 2007, je me suis attelé à écrire un texte par jour pendant un an. De là sont nés ou se sont affirmés des thèmes, des projets, que le seul travail d’immersion profonde, et en apnée, dans le texte, le fait de tracer le même sillon, le fait de tarauder à ce point la phrase et le mot, mais aussi ce qui prendrait corps sous forme d’œuvre (?) a pu propulser.
En 2008, j’ai écrit peu mais me suis concentré sur le finir des grands travaux commencés parfois dix années auparavant. C’était L’anonyme. Maurice Blanchot, et Le revenant. Pascal Quignard, publiés tous deux chez Publie.net. C’était nécessaire et exténuant, mais il me fallait enfin me débarrasser de nombreux dossiers, pages écrites à la main ou imprimées, notes éparses, bibliographies…
Bibliographie que dans le cas de Blanchot, j’ai pu offrir, avec l’aide de Parham Shahrjerdi, au site Espace Maurice Blanchot, et de nouveau tout récemment dans la revue Hors-Sol dont je parlerai plus bas.
En 2009, j’ai concentré mon travail sur la « récupération » de plusieurs textes pour des revues (Voix d’encre et Po&sie, merci à Alain Blanc et Martin Rueff). Ce n’étaient que quelques pages, mais quelques pages peuvent vous suffoquer pour un bout de temps.
J’ai mieux armé les ateliers d’écriture, qui se sont multipliés, grâce encore à François Bon et Ecrire la ville.
J’ai pu entreprendre le grand chantier de 2010 et au-delà que sera La littérature inquiète, qui sera un peu une position, en un temps donné, mais un temps étiré, fluctuant, qui ne sied pas à la page du livre, mais plus à la navigation du net.
J’ai entrepris, avec beaucoup d’ambition, à rassembler textes et autre matériaux pour deux « blogues », l’un (Bobines) sur les usines de mon enfance, où travaillait mon père (et cela vient de Trame, publié aussi chez Publie.net), l’autre (Bornes) sur le territoire que je parcours dans le cadre de mon « vrai » travail d’éducateur à l’environnement et botaniste.
J’ai également ouvert le site à une dynamique plus souple. Le site que vous tenez entre vos paupières est donc un blogue ; mais le site auquel il est flanqué, Ambo(i)lati, faut-il le rappeler, est construit entièrement à la main, c’est-à-dire que tous les codes, toute la structure, tous les liens, images et autres animations sont saisis par mes petits doigts en langage html, xhtml, php et javascript. C’est une volonté ontologique de ce site, mais cela ne permet pas, toutefois, de recourir sans grande fatigue et temps qui manque à toutes les fonctionnalités du ‘web 2.0’ : pas de commentaires possibles, pas d’articles séparés, peu de convivialité et de rebond propre aux blogues traditionnels. Et c’est bien comme ça. C’est voulu comme tel.
Aussi, pour raccrocher ces wagons, sans que cela semble non plus une nécessité (il n’y a qu’à mesurer ma constance et mon assiduité sur leurs pages), j’ai ouvert un compte Facebook et un compte Twitter. Si Facebook ne m’apporte presque rien, d’un point de vue poiétique (poiétique oui, vous avez bien lu), Twitter m’a permis de développer de nouveaux projets du fait de la simple contrainte fameuse des 140 caractères.
Et le chantier, le cahier des notations quotidiennes, des ébauches et des esquisses, je cède et le propose sous forme d’un CMS, contre lesquels pourtant je nourris beaucoup de réserve (d’anciens textes du même chantier, en attestent, mais il faudra du temps pour les insérer ici !).
On avance dans le noir, étranger au mouvement des spirales
Enfin, et c’était le gros boulot de ce début d’année, Parham Shahrjerdi déjà cité, Pierre-Antoine Villemaine le noble et moi-même avons lancé, accompagné de Jean Lebrun et Gonzague de Montmagner, une revue de critique et poétique en ligne, Hors-Sol. Je n’en parlerai pas plus pour l’instant mais ce projet, fou, qui a nécessité lui aussi beaucoup d’heures de programmations diverses (sommaires comme apparence et informatique), est enfin lancé à l’adresse : http://www.hors-sol.net. Que tous ceux qui ont bien voulu se jeter à l’eau du premier numéro (sur Blanchot ! mais je vous jure que c’est fini après, je le lirai à voix basse !) soient ici publiquement remerciés : Maurice Attias, Philippe Bentley, Vassilis Gkiokas, Prisicilla Grosjean, Véronique Hotte, Charlotte Mandell, Laurence Morizet, Paul-Emmanuel Odin, Amandine Roussin, Parham Shahrjerdi, Pierre-Antoine Villemaine, Michel Woelfflé, Giuseppe Zuccarino.
J’ai réactualisé aussi le boulot quotidien à travers cette expérience de l’espace génois : GEnove, ou G9, que je finalise pour qui sait quel éditeur… C’est par l’écran que m’est venue la structure telle qu’elle porte, une série de 9 fois 9 textes sur la ville de Gênes. Et je ne peux que remercier dans cette entreprise Elisa Bricco, Luisella Carretta, Simona Gabrielli, Giuseppe Zuccarino, Mattia Perdomi, Luca Brozzo, et tous les autres, Domingo Donato, Maurizio Olita, Silvia Ballerini, Rufus, Cinghiale, Vito, etc. (pardon pour ceux que j’oublie)…
Et le dernier chantier en cours, ce sera de donner consistance littéraire au général Instin, initié sur Remue.net et là encore, je ne peux que saluer, amicalement, le travail de Guénaël Boutouillet et Patrick Chatelier.
Ainsi peut-on enfin le dire : oui, internet transforme notre rapport à l’écriture, si encore il fallait le démontrer à travers les sites habituels et à présent bien ancrés dans notre paysage d’rss, tels que Florence Trocmé, François Bon, Pierre Ménard, Olivier Ertzscheid, ou Claro pour ne citer que ceux qui sont devenus vitaux, en négligeant tous les autres, même si je ne suis pas aussi visible sur leurs pages comme j’aimerais l’être.
Pourquoi ? Pourquoi l’écran à ce point stimule l’écriture (et la lecture) ? On serait bien en peine de répondre, sinon le fait que de « poster » un article propose une version presque terminée, une édition bel et bien. Et subitement, encore. Une touche à presser.
Ce qui nous ramène au livre, vers lequel l’internet pointe, et tant pis si ce livre est virtuel. Un dernier exemple : l’incroyable, minutieux, facétieux, constant et roboratif travail d’Eric Chevillard et ses mondes cruels hantés du bestiaire et surtout des tissus éthérés du monde déchirés en texte. L’autofictif est devenu nécessaire, et pour de nombreux amis qui ne sont pas forcément versés dans la littérature. Pour eux Choir vient à point nommé pour démontrer en acte que la littérature est encore, toujours possible. Inclus dans mon paysage d’auteurs contemporains de renom, qui m’entourent et m’épaulent, avec Nicole Caligaris et Arno Bertina, par exemple, et tous les autres, et tous les autres.
Une page nouvelle s’ouvre, tâchons d’en étriller une sève neuve, et instiller en elle une exigence qui celle, condition sans condition, vide qui creuse encore, faim qui dévore le corps, et cela s’appelle, encore, la littérature.