Je sais que tu n’es pas là, alors, qui lira cela ? A quoi sert-il d’écrire sans liseuse ? A quoi sert-il d’ajouter des pages au grand livre déjà trop plein d’hier ?
Quelle habileté à jeter la ligne ! Mais après, combien d’aléas, dans l’écume du courant, au travers des vagues puis des pierres, des fractures ou des ensablements…
Pourtant plus le geste est fourvoyé, plus il est forcené ; c’est comme une manière de tarentelle ou de transe, il n’y a rien ni personne qui puisse contrôler le mouvement.
C’est peut-être dû au cerveau des hommes : lequel crée son propre monde bien lointain et différent (voire divergent) du réel. Le petit pygmalion s’agite et devient sa propre raison d’être. Un petit écosystème en soi. Voilà ce qu’est la pensée : une image du monde qui n’est pas le monde, mais qui est le signe du désir, ou volonté de puissance, qui est bien et bel seulement ce qui agite l’univers.
La pensée n’est qu’une feuille offerte au soleil ; ou un spasme rose fouillant la terre ; un peu plus qu’un réflexe : l’artifice même de la vie, quant il est pour nous, raison d’être.