Le sac en plastique est l’une des plus moches, nocives et superfétatoires inventions du siècle sombre passé. Il s’en produit des milliards chaque année (on parle de 15.000.000.000 rien qu’en France) pour une utilisation moyenne de vingt minutes. Puis poubelle (ou nature, ou fin fond d’un autre sac à sacs, ou véhicule, ou la mer).
Le petit script ci-dessous est édifiant, mais rassurons-nous : il ne sert à rien.
Les dégâts collatéraux sont connus, et considérables. Les alternatives ne s’appellent pas sac biodégradable ou sac en maïs (qui ne changent pas gran’chose au problème), mais panier, sacoche ou cabas. L’invention du panier en rotin, en tissu ou en papier, remonte à la nuit des temps et son usage s’est perpétué durant des millénaires.
Malgré tout cela, il continue de s’utiliser partout, tout le temps, et par tous, des sacs en plastique là où un minimum d’organisation ou de responsabilité pourrait permettre de s’en passer.
On a peur, on a la flemme, de dire non.
Ce syndrome du sac en plastique, aussi résumé par la formule YES WE CAN’T, se retrouve hélas dans bien des domaines de la politique et de la culture humaines.
C’est par exemple ne pas acheter en grande surface ; ne pas voter parti socialiste, ou ne pas voter aux européennes ; ne pas regarder la télévision ; des motifs aussi saugrenus que scabreux nous conduisent à des actes dont on sait qu’ils nous sont nocifs, et dont l’oubli ou la relégation pourrait même changer radicalement le monde, mais non. On ne le fera pas. Plutôt crever.
Plutôt crever que de ne pas trouver que les séries américaines sont le cinéma de demain, plutôt crever que de ne pas faire d’enfants alors que les conditions de leur accueil ne sont pas réunies (et que sont plutôt réunies celles de leur asservissement), plutôt crever que ne pas prendre les trasports en commun ou marcher pour faire un ou deux kilomètres, plutôt crever que de ne pas jouir de l’instant présent. On va me traiter de réactionnaire, encore, ce mot à la mode qui désigne tout ce qui ne semble pas se couler dans la pensée unique d’un libertarisme de gauche (qui est tout aussi de gauche que je suis le pape). On va me rétorquer : et toi, tu ne fumes pas ? Tu n’es pas en train de t’autodétruire ?
Je serais en difficulté pour répondre. Oui, je fume, comme l’être humain a fumé depuis la nuit des temps. Et puis je dirais, mais tout cela c’est la vie, ce je-m’en-branlisme du sac plastique, c’est la vie humaine, aller acheter deux courgettes vieilles de dix mille kilomètres à la supérette du coin de rue pour la sauce qui servira au final à coucher avec la voisine du dessous. C’est la vie aussi le plastique : le monde est clos, il n’est pas tombé du ciel ; pas plus que la bombe H, la voiture ou le parti socialiste.
Ce syndrome est imbattable. Cette maladie est incurable. Mon docteur me disait : vous savez un type sur deux ne veut pas être guéri, et mon boulot ne sert à rien. Le plus simple encore est la dénégation à la méridionale : che vuo’ fa’, c’è niente da fa’. La fatalité, dans le monde des hommes, est une constante qui traverse jusqu’aux époques les plus “éclairées”. C’est grâce à elle qu’on fait des dieux, des rois ou des révolutions. La fatalité est politique. Le confort est politique. La douleur est politique.