(Rabbits, 8 épisodes, 2002, davidlynch.com)
Ce texte a été écrit dans l’esprit des deux anthologies Ecrivains en séries, dirigées par Emmanuel Rabu et publiées chez Laure Limongi (LaureLi).
In a nameless city deluged by a continuous rain… three rabbits live with a fearful mystery
Le secret, après tout. C’est à lui que je dédie ces lignes. Il ne faut pas qu’on sache. Il ne faut pas qu’on sache, jamais, rien. Tout ceci doit rester ici. Doit rester ici, et entre nous. Doit rester entre nous.
Tu ne sortiras pas, personne ne sortira d’ici avec ce secret, qui est entre nous. Ce secret qui doit rester entre nous.
Tout est là. J’ai le secret, je détiens ce secret, et vous n’en saurez rien, aucune chance que vous ne sortiez d’ici pour balancer à la cantonade mon secret. Vous ne sortirez pas d’ici avec mon secret. Aucune chance. Aucune putain de chance. Ça n’arrivera pas. Moi vivant, ça n’arrivera pas, soyez-en assurés.
— Tu ne dis rien ?
Quelle est la musique de ce terrier ? De sinistres grondements, des feulements obscurs, des feulements brisés, des rires ? Et pourquoi sommes-nous mal à l’aise ? On ne s’en sort pas.
Dans un autre monde, tu es observé, tu es regardé. On sait de toi. On rit de toi. Tu ne peux rien faire, parce que tu es prisonnier. Apeuré tu te terres, tu entres en la terre, tu te caches, mais en vérité tu es mis à jour. Telle est ta condition d’être fragile. Tu es happé par la lumière, comme dans les phares d’une voiture la bête tétanisée, toute dédiée au choc inévitable.
Cet écran est ton choc et ce choc est ton corps révélé. Ton corps s’arrête net, se fige dans sa matière physique, lorsque, heurté, il s’incarne enfin.
Les masques tombent. La nuit, la pluie efface les visages. Les maquillages coulent, se répandent, ou bien ce sont des larmes, viennent maculer ta robe magnifique, ton corps magnifié par la robe ouverte. Les larmes sont de petit heurts suspendus, chacune toujours plus douloureuse, l’eau salée est corrosive, leur contact contondant. Insoutenable. Ce n’est pas le heurt, le contact bruyant et douloureux, qui effraye, c’est l’imminence de celui-ci qui oppresse.
Bien que sensuelle, la scène est insoutenable. Le poids est trop lourd, comme lorsque, sous terre (descendant dans une cave ou passant dans un trop long tunnel par exemple), on panique à l’idée de tout ces montagnes ou toutes ces maisons, toutes ces vies, toute cette histoire, au-dessus de soi.
Le secret, après tout. Le secret, ma parole, il n’y que lui qui puisse nous unir, ici, en ce lieu, en cette pièce. Nous n’avons pas d’autre endroit où aller, et pas d’autre occupation. Nous concentrer autour du secret.
Seul, je le contemple. Je le fais rouler entre mes doigts, je sens sa présence dans ma poche, et celle-ci me rassure. Je ne le lâche pas. Je le tiens toujours à l’esprit. Je ne m’en déprends jamais. Il doit m’occuper, aussi, m’inquiéter en permanence.
Pourquoi ?
Pourquoi le secret ?
Mais c’est que sans lui… il n’y a plus de raison d’occuper l’espace… il n’y a plus de raison de rester ici… il n’y a plus de raison de rester ensemble… Et puis personne ne nous regarderait pl
TOUT D’UN COUP LE FEU, LE FEU TOUT D’UN COUP OU BIEN C’EST UN PERSONNAGE QUI DISPARAÎT, QUI POURRAIT EN SORTIR ? IL N’Y A PAS D’ISSUE, IL N’Y A QUE L’ESPACE, L’ESPACE CLOS DE CETTE PIECE HANTEE…
Pourquoi le secret ?
Sans le secret il n’y plus de terrier, il n’y a plus de masque, il n’y a plus de doute. Parce que, tant que le secret est gardé et fièrement gardé, peux-tu nous dire qui tu es ? Peux-tu nous affirmer ce que tu sais ?
Tu ne parles pas ?
Tu ne dis rien ?