Qui dira comment le mont bleu fait office de moyeu ?
Gravir la Lance est une tâche nécessaire. Pour traverser la chênaie, la hêtraie, puis surprendre buis, aubépines et plusieurs herbes minuscules (serpolet, cette crucifère inconnue, haute de millimètres).
Jusqu’à la mémoire : lichen.
Puis la poudre noire qui semble un corps défait, décomposé, des ossements d’une blancheur maritime étant les pierres, qui, lissées, lavées, par les vents et les eaux et le froid, jonchent impeccables l’alentours. Poudre noire, granuleuse et d’un grain épais, mais terriblement sèche. Un rien pourrait tout défaire, tout emporter.
Mais rien ne vient déranger ici la solitude, la sérénité. Sinon quelque rumeur humaine, loin au fond dans les vallées qui semblent inaccessible, ou quelque incongru moteur de plaisance qui harasse.
Même Ventoux, même Angèle, même Miélandre n’ont pas la chance d’être orientés comme Lance. Elle sert de boomerang pour remonter à une scène primitive.
Elle est primitive ; sauvage ; exorbitée.
Elle n’est le fruit d’aucun moule.
Elle est comme un courant figé, le bras mort d’une rivière saurienne.
Ceux qui vivent là-dessus et y travaillent, avec amour et force, sont des génies essentiels. Sans eux, il y aurait moins de rosée dans les toiles des nombreuses araignées ; moins de feuilles aux forêts et aux fourrés et moins de fleurs aux prairies.
La lande, sur la Lance, est un temple séculaire. Les traverser est une méthode, un chemin, une constante et subtile attention aux pics, aux grives, aux alisiers, aux coronilles et calycotomes qui jalonnent avec superbe les évadés.