Comment être surpris de nos jours par une pensée politique ? On ne sait plus.
Il y a tellement de dénégation du politique, qui se cristallise en oubli, que certaines voies qui prétendent avoir un positionnement politique nous estomaquent de leur manque de discernement — au point qu’on se demande si ce n’est pas de la démence, du masochisme, ou simplement de la débilité mentale.
Par exemple, quiconque lit entre les lignes — je ne veux pas faire le malin, il n’est pas besoin d’être expert de la haute-finance (ce serait même plutôt un moins) pour lire entre les lignes de la politique actuelle ; il y a pour ça toutes sortes de sources d’informations et puis il y a la brutalité des faits — quiconque donc lit entre les lignes savait que l’ancien Président de la République S. avait été battu pour la simple et bonne raison qu’il avait été désavoué par la classe dominante (de là à dire que le Président en exercice H. a été élu justement pour faire le boulot, il n’y a qu’un pas — il l’a d’ailleurs très bien fait, le boulot, soit-dit en passant, le dominant est content, le dominé un peu moins). Que son retour était donc plus qu’improbable, et que le risque n’était certainement pas de côté là.
Or l’ancien Président de la République avait tellement cristallisé de haine sur sa personne, de la part du ventre mou de la gauche que non seulement on n’a pas pu mesurer avec sérénité l’arrivée de son ex-premier ministre F. (il faut dire que le 3e larron, J., l’homme du passé, du passé de 95-97, avait lui aussi tellement focalisé son attaque sur l’ex-Président), mais, un peu auparavant, on a pu laisser venir au pouvoir l’actuel président. On a dit même qu’on ne votait pas pour lui, H., mais contre l’autre.
Déjà à l’époque je m’étais fâché avec bien de mes amis qui se disent de “gauche”, sur ce simple fait : « ne votez pas pour H., leur disais-je, c’est comme S. mais en pire ! En pire parce, fort du soutien des classes moyennes (le ventre mou de la “gauche”), il va nous faire gober des pilules enrobées de moraline, il va nous faire passer des lois plus dures sans qu’on s’en rende compte (par exemple en mettant l’accent sur des débats de société comme le mariage pour tous qui, malgré son intérêt, n’a pas beaucoup de poids dans la lutte politique). » Je me suis vraiment fâché. On m’a rabattu mon caquet, on m’a fait taire, on a coupé le contact.
Bon, si l’un de vos amis s’énerve contre vous parce qu’il refuse de voir la vérité, soit ce n’est pas vraiment votre ami, soit il est un peu borné (il mérite moins d’être votre ami) ; ou alors c’est que vous vous trompez. C’est possible aussi, ça.
Or dans ces questions, ce n’est pas tellement un problème d’opinion ; il y a la brutalité du monde, disais-je. Il y a les faits historiques. On peut refuser de les voir. Cela n’empêche qu’ils existent. Que le PS a pensé et permis la mondialisation, qu’il a contribué à la financiarisation de l’économie ou qu’il a créé l’UE — qui sont les trois piliers du capitalisme ou du néolibéralisme — tout le monde le sait, peut le retrouver dans les livres, les articles, les interviews.
On rigolait déjà pas mal de ceux qui, gros malins ! pensaient agir politiquement en demandant l’organisation de primaires (merci Piketti), ou, grand bêtas !, allaient voter aux primaires de la droite pour lutter contre S. Au moins ils nous faisaient sourire.
Mais que Philippe Caubère d’une part, ou une soixantaine de personnalités d’autre part prennent position dans l’espace public pour défendre une politique capitaliste dure, celle qui détruit les chaînes sociales et les chaînes écologiques, qui concourt à la destruction des institutions politiques, non seulement on est désolé pour le ridicule dont il s’affublent, mais on ne peut que s’attrister, intimement, devant un tel acharnement à l’aveuglement.