Je remercie Juliette Mézenc (son blogue : Mot maquis) de bien vouloir se prêter au jeu des Vases Communicants avec moi. Elle nous gratifie d’un épisode du feuilleton Elles en chambre, feuilleton qui sera publié sur D-Fiction au cours de l’année 2012. Il s’agit d’une « visite guidée à travers les chambres de femmes qui ont écrit après Virginia Woolf (« Une chambre à soi », 1929), des femmes de tous genres, de toutes identités et nationalités, femmes célèbres ou inconnues, encensées ou méprisées, rétrogrades ou branchées, des dames respectables, des salopes, des icônes, des ménagères et des mégères, des photogéniques et des secrètes, etc. » Etonnant écho avec le propos du Magasin, qui voit donc lui aussi son épisode transféré chez l’autre.
nous tombons
dans cette espèce de tube
dans cette pénombre éclairée par des diodes faibles et bleues, par endroits, qui laissent entrevoir des transparences, comme des vitres derrière d’autres vitres
effleurez de l’index la surface entraperçue
voyez comme les choses s’éclairent, des lignes apparaissent
nous tombons à la vitesse de la lecture
pour un peu nous chercherions le pot de confiture d’Alice pour y plonger le doigt et le fourrer sucre candi dans la bouche tout en poursuivant la lecture
mais ici pas d’étagères
au bout d’un certain temps, la lumière faiblit, pas d’inquiétude, un effleurement léger de l’index et c’est reparti
nous tombons mais peut-être montons-nous, comment savoir dans notre monde si nous montons en vérité ou si nous descendons en vérité, nous n’en savons rien
(faudrait déjà qu’il y ait un haut et qu’il y ait un bas)
ce que nous savons :
nous avançons dans nos lectures
c’est ce qui donne une direction, je crois, dans l’espace-temps
et comme nous lisons de haut en bas, selon notre lecture du monde donc, qui veut qu’il y ait un haut et qu’il y ait un bas, parce qu’il faut bien le lire, le monde, n’est-ce pas, même maladroitement, même grossièrement, nous y sommes tenus n’est-ce pas, et bien
nous tombons dans l’écriture, chute lente qui aggrave la chute, l’aggrave heureusement je crois, parce que tous les hommes tombent en vérité, mais seuls les lecteurs ont conscience de tomber et c’est ce qui fait leur force je crois, le lecteur se plie vers le texte mais le lecteur ne rompt pas n’est-ce pas
et c’est là que le phénomène curieux se produit : la lecture aggrave la conscience de votre gravité et vous, vous commencez, je sens que ça vient, que vous le sentez, vous commencez à vous sentir plus léger
(là où le divertissement de la chute vous alourdirait, vous ferait patauds, un brin idiots, et de commerce fort peu agréable)
Tous les Vases communicants de mars : http://rendezvousdesvases.blogspot.com. Merci Brigitte !