Durant des années, en tant qu’habitant du village de Dieulefit, j’ai croisé Bernard Hœpffner chez des amis, dans des rencontres, des évènements, sans savoir qui il était.
Je n’avais rien publié de visible, et lui ne la ramenait pas. Nous ne savions pas que nous avions des amis en commun. Aude, par exemple, qui nous a présentés, des années après, au Monte-en-l’Air, lors d’une soirée sur Flatland de Abbott, livre calvinien que j’adorais et que Zone Sensible venait de faire reparaître1.
Alors nous nous sommes connus et vus, à Paris, à Arles, à Dieulefit (une maison extraordinaire dans les Hubacs où j’ai passé une grande partie de mon enfance — nous habitions en-dessous et j’y avais un ami)…
Les anecdotes reviennent, et c’est ce qui maintenant forme la petite pierre, le minuscule monument, qui est devenu son souvenir, entre nos mains. Comment un jour j’ai mangé deux fois avec lui ; comment nous avons chassé les frelons, ou identifié les fleurs ; comment nous avons assisté à la première communication publique du texte français d’Horcynus orca à Arles ; comment nous échangions nos livres (enfin, surtout lui…) ; quand nous nous étions croisés au dernier salon du livre ; comment nous riions, nous nous moquions gentiment de lui… ; comment nous venions d’échanger, en anglais, sur le site, juste avant son départ…
Si cette disparition nous touche, par sa violence, la soudaineté, l’absurde absence d’informations, elle évoque aussi pour nous la fin dramatique d’un parcours unique, dédié tout entier à la langue, à la communication, à la fiction qui nous sert seule d’enveloppe protectrice pour nous accompagner dans le monde contondant.
In memoriam.
Sur Ambo[¡]lati, on trouve Un ruisseau dans le salon, de la série Friction, des fictions autobiographiques.
Sur Hors-Sol, il nous avait également proposé un texte, dans ce même genre borgésien qu’il affectionnait, à l’occasion d’un dossier sur la traduction : Guy Davenport, Ma demeure
Ce soir, 7 juin, à 19h00, la Maison de la poésie rend hommage au traducteur. Je suis, hélas-pas hélas, en lecture à l’Iris Noir pour GEnove.
- Je crois que c’était le thème de la soirée… mais maintenant je me demande si ce n’était pas un autre livre… ↩