Une suite de textes (à ne pas confondre avec Martin à la mer) sur le philosophe en vacance
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À l’hôtel, à la plage, dans le train ou au restaurant, impossible de savoir comment et qui a aperçu ou reconnu le philosophe pour qu’il reçoive, ce mercredi, une invitation à dîner chez le podestat.
Il n’aime pas les mondanités, c’est une banalité, mais il suppose qu’il est obligé de ‘y rendre – ce qui cause toute une série nouvelle de nouveaux soucis.
Le podestat habite l’une de ces villas façonnée en château féodal de la MittelEuropa, qui fleurissent ces temps-ci sur le littoral. Un château de Stauffen ou de Münchhausen miniaturisé, presque un jouet de château, en avant les histoires.
C’est très vulgaire. Et, pour s’y rendre, il faut grimper l’une de ces muletières qui filent direct à la mer – autre curiosité de ce pays escarpé. Autre cause de perturbations physiques – le muscle/la sueur.
La muletière longe un couvent dont la chapelle est accessible au public et devant laquelle se trouve une espèce d’immense mosaïque de petits galets noirs et blancs dessinant une scène navale sur la mer, une crique, et quelques figures fantastiques obscures.
Ce petit site, où se trouvent en outre quelques bancs de pierre, font la soirée du philosophe. L’un des bancs donne d’ailleurs sur la mer. Il s’y assied.
C’est aussi sobre que somptueux.
Il regarde la mer et le ciel et le parapet du mur de schiste qui l’en sépare. Il se demande s’il est invité parce qu’il est un philosophe, ou parce qu’il est ce philosophe, mais, dans les deux cas, il se demande comment on a pu le connaître et reconnaître : a-t-il à ce point la figure générique du philosophe ? ou au contraire : est-il à ce point connu, de par son visage, dans ce pays étranger ? Dans les deux cas cela reste inquiétant.
La descente, qu’il a tenu à faire seul et à pied, par le même chemin qu’à l’aller, est plus difficile après le roast-beef, les vins, les gâteaux, le café et les liqueurs trop sucrées.
La soirée fut éprouvante mais – à part le chemin – la petite calade de la chapelle lui procure, au retour comme à l’aller, alors que mal se distinguent les formes qui semblent se fondre l’une dans l’autre (pierres, bancs, muret, galets, montagne, mer, ciel), un bonheur immense, un immense bonheur.
que c’est agréable de le suivre (et de partager sa pensée, là elle est à mon échelle)