Il est illusoire d’imaginer une parcelle du monde, une portion de sol qui ne dispose pas de frontières. Qu’elles soient naturelles ou culturelles, les frontières ne sont pas nécessairement l’incarnation du diable. Dans la tradition, elles représentent même un ferment de convivialité, de convivance.
L’espace alors codéfini et partagé devient un territoire. Sa propriété n’est pas immédiate, la notion de propriété du sol est sujette à caution. Néanmoins apparaissent alors au moins deux fonctions au territoire : la capacité d’être nommé, dénommé — le nom du territoire étant un supernom, incluant possiblement l’idée de ses habitants et de leur culture, de leur politique.
La culture est le lien du groupe vivant sur un même territoire, la politique l’ensemble des règles définissant ce vivre-ensemble ; la manière dont ces règles sont décidées puis appliquées définirait le pouvoir.
Le pouvoir revient à un souverain, qu’il soit d’inspiration surnaturelle (les dieux, théocratie), dévolu à un seul homme (monocratie, et ses dérivés, roi, dictateur, empereur ; celui-ci est parfois assez de mèche avec les dieux pour justifier cette préséance), ou conféré à un groupe non représentatif (les meilleurs : oligocratie et ses dérivés aristocratie, ploutocratie, etc.) voire au peuple lui-même ou à la nation via un corpus de représentants (démocratie).
Deux évènements ce jour : le Brexit ou adoption par référendum de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, et l’adoption du nom Occitanie pour la nouvelle région Languedoc-Roussillon/Midi-Pyrénées, illustrent ces problématiques de souveraineté ; dans le premier cas, on peut au moins se féliciter que le vote populaire peut encore faire trembler les banques et leurs séïdes qui se sont arrogés le pouvoir au sein de l’Ue ; dans le second, regretter qu’une poignée d’hommes (les mêmes ou quasi) récupèrent un nom qui les dépasse (puisque l’Occitanie englobe aussi bien le pays Basque et la Catalogne qu’une partie du Piémont, ainsi que toute la Provence, et une partie du Massif Central).
Dans les deux cas, c’est la politique : définir collectivement les règles sur un territoire défini par des frontières. Ceci suffit à démontrer que la souveraineté est le principe politique essentiel1.
- Jean Bodin, 1576 : « La souveraineté est la puissance absolue et perpétuelle d’une République. » ↩