Voilà que le site est temporairement indisponible : pas d’écran pour internet ; pour ce travail, pour ce « machin » qu’est A(i)L, la vision à l’écran mais “hors-ligne” ne me suffit pas, ne me convient pas ; j’ai l’impression d’avoir un brouillon sous les yeux. Je ne parle pas du texte sous le bloc-note avec les codes html, mais aussi de l’aperçu que mon petit logiciel propose ; même s’il récupère la feuille de style sur la toile, ce n’est pas la toile. Ce n’est pas le site ; ce n’est pas publié.
Voilà donc que j’écris en aveugle ; car depuis quelques jours, je ne peux visionner Ambo(i)lati. Je ne saisissais pas les textes mais les gardais en moi se laisser décanter. Comme j’étais « en ville » ce matin, j’ai vérifié dans un bar « relié au réseau » si le problème persistait : joie, j’avais accès à mon site ; malheureusement, arrivé chez moi, rien ; donc si je parviens à envoyer sur le serveur, je ne saurais pas voir ce qu’il en est : la place qu’il prend, sa forme, ses erreurs de mises en pages, même ses fautes de frappe.
Se développe alors une littérature en aveugle, littérature de taupe, rognée dans la matière brute d’un texte unique, graveleux, qui nous encombre, à l’intérieur ; nous dévaginons cette terre, la roulons, la portons aux nues ; éventuellement cela fait un texte, qui, une fois à l’air libre, publié, pour nous n’est plus rien, s’évapore, un genre de scorie qu’on abandonne, sans remords.
Eh bien là encore, internet me permet cette publication immédiate ; sans écran, texte sans lumière, texte noir, que je me refuse d’écrire longtemps sachant qu’il ne sera pas publié. Pas vu par ailleurs. Littérature se faisant, y compris dans, à travers, pour, par les machines. Me rappelle Françoise B. regrettant qu’avec l’informatique, on perdrait les états différents du texte, les brouillons, la génétique, le palimpseste. Je prédis que nous ne perdrons rien de tout cela : que les écrivains même, sauront conserver les traces des ébauches, des chantiers, des errances : feront en sorte de les laisser voir, de les laisser transpirer ; blessures nécessaires au texte du texte.