1.
J’aime bien l’indo-européen, comme concept (je parle de la langue).
Ça permet de justifier l’injustifiable. C’est une espèce de carte joker, dans un jeu trop serré. C’est une forme élaborée, sophistiquée, du sophisme du silence, comme un sophisme de l’absent (ad absentem ?) : une preuve par le vide. Ceci étant dit, je ne remets absolument pas en question son existence : la difficulté du tissage de toutes ces racines au regard des situations conséquentes de dizaines de langues, semble bien démontrer d’une certaine logique.
Mais, me dis-je, c’est un peu en archéologie comme en systématique : il devrait y avoir une science pour cela, celle de la reconstruction des édifices (abstraits ou moins) à partir de quelques bribes ou quelques ruines. Mais en vérité le terme existe, c’est l’anastylose.
Il faut un sacré dose d’imagination (ou un très grand nombre de vestiges, i.e. de données) pour y parvenir.
On y parvient mieux à plusieurs.
On peut aussi totalement se vautrer.
Au moins – disons-le – les squelettes, les temples comme les langues ont une structure à peu près connue, et répétée (et connue parce que répétée).
2.
Ainsi donc le mot réveil est-il de la même famille que échauguette, guet-apens, végétal, vigueur et woke. C’est parti de là. Comment, me demandais-je, trouver une manière élégante de substituer un ou plusieurs mots à ce woke d’ailleurs grammaticalement approximatif ?
Je n’ai pas trouvé, mais c’est autour du réveil que cela se joue. Alors je me dis que c’est peut-être, par métonymie de l’horloge, que j’approcherais.
Une éthique du cadran. Une pensée du gnomon (carotte ou bâton, selon).
3.
Je ne puis que constater, comme tout le monde j’imagine, le développement, l’étalement devrais-je dire, le recouvrement de ces théories, aussi diverses semblent-elles être, sur toutes les dimensions de notre vie sociale et politique.
Je viens de me brûler les doigts.
Elle est inamovible, extrêmement pesante. Pourquoi ? Parce qu’elle a raison avant toi. Parce qu’elle est du côté de la raison. Fût cette raison peu réaliste ; c’est bien le principe de l’absent, de l’absence de l’absent : on dispose de lui.
Elle est inattaquable, puisque toute feinte sera déjouée par avance, la raison ayant toujours raison sur quelque comportement.
4.
Mais la raison n’est pas celle de la formule, pas plus celle du récit. Elle se réfère à un absolu.
La raison absolutise tout, ou plutôt la stratégie de l’horloge absolutise la raison censée seconder l’acte ou la parole dans notre monde.
De sorte que tu arrives toujours trop tard. Dans la course toujours deuxième.
Tu es poulidor du débat.
Je me suis brûlé les doigts : je cochais toutes les cases mal venues, je cochais les mauvaises cases, à deux doigts d’être en plus d’être poulidor, bigard. Mal m’en a pris. On ne fait pas comme ça. Le gnomon a parlé. Tu es en retard, parce que celui-ci, il faut se l’avouer, est totalement ringard.
C’est un professeur comme on se le représente dans les films des murs.
Un vieillard pas drôle.
Gratuite violence a priori.
5.
Mais toi, au-delà de l’éventail des femmes, toi
paladin domestique qui triomphes
en luette en aiguille comme Saint Georges,
toi qui te promènes sans cesse sur les vertus de ton écu
puis t’en reviens, d’un regard, indemne.
Toi qui, dans le monde, portes encore honneur,
dévouement, épée, enfance et étendard,
dis-moi si au-dessus de l’ombre douce tu cries…
(D’Arrigo)
Au nom de la liberté, au principe de liberté, on confisque le libre-arbitre (puisqu’on congédie l’arbitre).
Il n’y a rien à faire : on est sûr d’être piégé. Cette longueur de retard est une longueur d’avance.