Les choses passent.
Comme passent les choses !
« Parvenir à se dissoudre », c’était la rengaine d’une chanson un peu facile… mais parfois, printemps faisant, je parviens à des états d’extrême asthénie, des moments d’une profonde indifférence à tout. Et ce n’est ni l’ennui, ni le dégoût, ni l’angoisse, soyons clairs, non, c’est un état proche d’une latence permanente, ou de la permanence même.
Je dois dire que cet état est très confortable, un état sans désir, sans attente, un état du moment même.
Est-ce l’ataraxie, est-ce l’épochè ? Comme je m’en contrefous ! Est-ce le tao, le nirvanà ? Comme je m’en branle !
Je suis là simplement, en train de disparaître sous vos yeux, en train de me dissoudre, dans un esprit « confortably numb », loin de tout ce qui casse, loin de ce qui agace, loin aussi, beaucoup, des gens, et parmi les gens, des cons et des connes.
Grande solitude rampante, solitude qui marcotte, je mets des barrières concentriques autour de mon être qui s’évanouit, comme les bouées du Pays de la Magie : dans chaque bouée : un mort.
Pas envie de lire, pas envie d’écrire, ne pas se laisser prendre à l’image non plus, car sur la couche sensible du dissoudre, se colle presque de manière imperméable la couche de la fatigue ou de l’abandon. C’est cette couche, une fois déposée, qui se manifeste lorsque, là, on rentre, on s’assoie dans un canapé et on allume la télévision.
Ou on va au bar.
Ou on va au cinéma.
Ou on se suicide.
Mais voilà : je n’ai jamais voulu de canapé, et je n’ai pas la télévision non plus.
Je suis renfrogné derrière la lavande, tapi comme la coronille ou l’astragale, et noble aussi comme la phalangère, ou avec goût comme l’ophrys, je me suis dissous dans un morceaux des hubacs à Poët-Laval, évaporé en fragrance de thym, éparpillé en fleurs de brizes, prostré comme l’ascalaphe, mais qui diable pourra jamais comprendre combien je suis adhésif à cet espace (et tout ce qu’il implique, de vénerie, de sec, de piquant, mais d’odorant, de blanc cassé, de réclamant je ne sais quelle eau sourde) !
Il n’y a pas de ville dans mon monde – il n’y a d’ailleurs pas âme qui vive.
Qui se soucie du Thésium couché ?
De l’Argyrolobe de Zanon ?