Il n’avait qu’une passion dans la vie : collectionner les fleurs, soit sous la forme de photos prises dans les campagnes lors de ses voyages, soit les pochettes de disques de jazz qu’il téléchargeait illégalement, soit les vulves de ses amantes qu’il prenait en photo lors de soirées trop arrosées.
Il avait passé quelques jours à New York où tout pour lui avait basculé. Il avalait sa salive péniblement.
Il aurait voulu savoir chanté ; il s’écroula, sans voix, dans le sable fin du bord de mer ; aphone depuis seize années.
Ses mains étaient calleuses, d’abord parce qu’il avait trop travaillé sur les arbres ; ensuite parce qu’il fut pris d’une arthrose, et d’une arthrite fulgurante et déformante. Il demeurait habillé de riches costumes de lin, de laine, de coton. Il ne supportait pas les matières synthétiques.
Il n’avait jamais souhaité se suicider. Tant qu’il put caresser des femmes.
Il avait dit : Quand tu perds les femmes, reste la musique, quand tu perds la musique, restent les fleurs. Ou encore : Quand tu as tout, tu as le sexe d’une femme ; quand tu est moins riche, tu as un appareil et quelques disques de Mingus ; quand tu es pauvre, tu n’a que les fleurs. Mais ce sont les mêmes impressions, les mêmes parfums, les mêmes plaisirs.
Secrètement il rêvait d’être une femme.