Le 16 novembre, à l’invitation de l’ami Emmanuel Delaplanche (dont il sera question bientôt au sujet de Louis-René des Forêts et de son livre à ce sujet paru chez Publie.net, Empreintes), qui anime le Laboratoire chez Principe actif, radio locale d’Evreux, j’ai eu carte blanche pour une playlist idéale, que je détaille, un peu, ici. Un peu plus, en vérité, car j’avais encore sélectionné beaucoup d’autres titres. Je renvoie à chaque fois à un lien vers l’horrible yt, qui permet d’avoir une idée, mais je n’intègre pas toutes les vidéos pour ne pas ralentir le chargement de la page.
L’émission est diffusé au moment de la sortie d’Un de ces jours, toujours chez Publie.net, qui en a été le prétexte ; c’est ainsi que l’on a commencé par parler d’abord de la découverte de Pink Floyd et du rock’n’roll à une époque où régnait en maître absolu l’eurodance dont je me fis un malin plaisir de rappeler ici une fière bannière, Pump Up the Jam de Technotronic.
Sommaire
Retour vers le futur
0. Technotronic Pump Up The Jam
On est en 1989, j’ai 13 ans. Les Rolling Stones font un spectaculaire retour avec l’album Steel Wheels et le tour mondial qui s’ensuit permet une floraison de documentaires, publications, compilations, etc. Il y a cette émission d’Ardisson avec une interview simultanée de Jagger et Richards. Dans cette émission, le stout premiers morceaux que j’entends d’eux : Start Me Up (live, 1981 jouée en 1989 ou 1990), Emotional Rescue (???, 1980) et She Was Hot (!!!, 1983), mais dans le générique des extraits de (I Can’t Get No) Satisfaction, The Last Time et peut-être Paint It Black). Un mix bizarre de chanson mal connues et pas toujours appréciées des années 80 et les classiques des années 60… drôle d’entrée en matière (mais quel bonheur quand on arrive finalement à Sticky Fingers ou Exile…)
De l’autre côté du voile, Pink Floyd termine une tournée, la première depuis 1981 et le semi échec de The Wall (quatre salles seulement, à cause du bordel de la scène), et aussi la première depuis le départ de Waters – et là encore , on oscille entre les images, les commémorations et le heurt entre les images du passé et les actuels dinosaures.
Parce que dans les deux cas, on est chez les dinosaures, dans le parc jurassique. Il faut dire que le rock de 1989 c’est essentiellement un cimetière ; Nirvana n’est pas encore arrivé à nos oreilles. Je me souviens aussi de voir débarquer Neil Young tout seul avec sa guitare sur l’immense scène du concert de bénéficence pour Nelson Mandela. A la fin des années 80, au début des années 90, on baigne dans ce sirop-là.
Et dans ce tableau, nous, mon pote Nicolas et moi, on découvre une collection de vinyles dans son grenier ou sa cave, enfin je ne sais plus trop où, avec tout Pink Floyd, les albums du début, jusqu’à The Wall peut-être. Le monde alors soudainement bascule. Je suis dans les combles de la maison, j’ai un vieux tourne-disque, et je pose le diamant sur la face A de More.
Le quatrième morceau :
1. Pink Floyd Up The Khyber
Si l’on ne convient pas ici de la fusion des membres du groupe et la réussite de la forme, alors Pink Floyd n’est pas ; de là le déroulé des musiques, avec par exemple ce batteur présent, auteur de la biographie, actuellement en tournée avec ces morceaux pré-1973, et d’ailleurs en couverture du livre (et voix de ces mots One of thes days…). Ce même Nick Mason, ci-dessous, puis Robert Wyatt… par exemple, une espèce de hapax génial, à la hauteur de David Bowie, dans le monde du rock.
2. Nick Mason I can’t get my motor running ou Siam
3. Robert Wyatt, mais quelle chanson choisir ?
Le jazz
Par Wyatt, aussi, les îles continues et donc le jazz. Pour ce qui me concerne, essentiellement le bop et le free. Pas le reste. Pas le contemporain (ou très peu : Steve Coleman et même Wynton Marsalis). On est arrivé au jazz par le rock progressif, eh oui. Et tout de suite Miles Davis (et Kind of Blue et In a Silent Way en tête)… et très vite les maîtres, le trio, le triptyque, la trinité Monk, Coltrane, Mingus (et tous les saints Ornette Coleman, Albert Ayler, Cecil Taylor, Art Blakey, l’Art Ensemble of Chicago, etc.).
4. Thelonius Monk Blue Monk
5. John Coltrane Sun Ship
6. Angelo Badalamenti Red Bats With Teeth
Des petits pas de côté, l’éternel Dr John, le parèdre de David Lynch Angelo Badalamenti, le bop et le free s’accordent finalement dans un monde où viendront peu à prendre prendre une part essentielle Sun Ra ou Pharoah Sanders.
On trouve également des transitions étranges vers le rock ou le funk, des disques rares et tout à fait valides, comme l’étonnant Osamu Katijima, ou le projet indémodable d’African Head Charge.
7. Dr John, In the right place
8. Sun Ra, Plutonian Nights
9. Demon Fuzz Past Present and Future
10. Osamu Kitajima Tengu (A Long-Nosed Goblin)
11. African Head Charge, Over the Sky
Retour vers le futur, le retour
Aujourd’hui je n’écoute quasiment plus de nouveaux disques. Rarissimes les sons qui me font vibrer ne serait-ce qu’un tantinet. Et puis il y a tellement de vieilles choses à découvrir ! Je reste bizarrement sourd à Radiohead, à Muse, aux Arctic Monkeys, à Arcade Fie. Parfois toutefois des secousses, une chanson de-ci de-là me rappelle quand je découvrais, dans les années 90, les outsiders Cake, Urge Overkill, ou The Presidents of the United States of America… ou même Supergrass, qui a finalement représenté le fil le plus sûr pour traverser une nouvelle période ardue, où alors les efforts ‘arty’, intellectualisé, ironique, postmoderne, littéraire, que sais-je, Beck, Björk ou PJ Harvey allaient mener à des impasses comme Muse, et surtout Radiohead, donc, des musiques qui ne parvenaient pas à mes oreilles.
Le dernier CD que j’ai acheté, je l’ajoute après-coup, est Acme du Jon Spencer Explosion. C’était 1998. Je ne mettrais plus jamais les pieds à la FNAC et a fortiori ne leur laisserais plus jamais un centime.
J’ai traversé les années 2000 avec Red Snaper ou Portishead. Et le nouveau millénaire, avec quelques groupes plus ou moins voués à… rien, comme le très bon Soul Caughing. Une exception, non moins cérébrale, mais au son pour moi très nouveau, très… bizarre : l’étonnant groupe Adult Jazz.
12. Red Snapper, mais laquelle choisir ?
13. Soul Caughing Bus To Beelzebub
14. Adult Jazz Springfull
Depuis le funk et l’humide : le noir
Le jazz, dont on pourrait tout dire tant son paysage est étendu, et qu’il est donc hors de question de détailler ici, le jazz côtoyait évidemment le rhytm’n’blues et le funk, mais il est tout de même possible que ce soit par les Rolling Stones et donc le blues que je suis arrivé à eux. L’astre qui a dominé tous les autres, ç’a été Prince, qu’à bien y songer maintenant j’ai découvert (tard, eu égard à mon âge) avec Sexy motherfucker, c’est-à-dire une claque, et de fil en aiguille (c’était le moment d’une compilation), puis un compagnonnage très fidèle dans ce retrait progressif jusqu’à la disparition. J’ai choisi ici une chanson délirante qu’on trouve sur l’un des albums diffusés uniquement sur internet, The chocolate invasion. Je ne pouvais pas envisager introduire Prince, sans citer Larry Graham, bassiste de Sly Stone, avec lequel il a joué régulièrement, ni avec James Brown, dans sa période engagée de Hell, There it is ou The Payback, où se trouve la plus belle section rythmique et de cuivres du funk (et donc Maceo Parker, qui jouera lui aussi récemment longtemps avec Prince).
15. Graham Central Station I Can’t Stand The Rain
16. Ann Peebles I Can’t Stand The Rain
17. James Brown Take Some Leave Some
18. Prince Judas smile
Ce qui permit la transition toute naturelle vers le rap.
Là encore, impossible de résumer en dix lignes un continent entier de la musique. Mais plus jeune j’étais très réticent aux instruments électroniques (une réaction aux années 80 sans doute, mais j’ai depuis appris que le canal compte moins que le texte ou la mélodie). Le premier disque que je détiens est L’école du micro d’argent d’IAM, qui reste un classique insurmontable. Puis j’ai perdu de vue le rap français, assez tôt à vrai dire, au moment d’X-Men ou Oxmo Puccino. J’y reviens maintenant, grâce à des amis et Kery James. Mais j’ai ici proposé un morceau récent d’IAM, qui est bref et efficace (sinon c’est Demain c’est loin, mais c’est trop évident !).
Une autre région que je déchiffre après des années d’abandon, c’est grâce à la série Marvel Luke Cage, où j’ai pu faire le lien entre le rap US de ma jeunesse (Wu-Tang Clan, OutKast) et les dérives et délires géniaux de Ghostface Killah ou Adrian Younge, qui en a supervisé la BO, et qui à côté du matériel original (qui est réservoir de samples), propose de vrais beaux morceaux contemporains (qui, dans la série, jouent live dans le club).
19. Jidenna Long Live The Chief
20. IAM Fuck le refrain
Evidemment, les meilleurs là-dedans ce sont Antipop Consortium. Ce n’est pas le morceau diffusé à la radio, mais dans une radio, une belle interprétation live, je tenais à la faire voir (j’aurais pu citer au moins Mike Ladd ou même Saul Williams ; j’aurais pu citer Tyler, The Creator, Kendrick Lamar).
21. Antipop Consortium Sllab ou Ping Pong ou…
22. Handsome Boy Modelling School ou Ghostface Killah
Imaginaires : musiques visibles
Drôle de chapitre celui-là, mais le passage par la BO peut aider.
23. Adrian Younge & Ali Shaheed Muhammad End Theme
Tout un monde de paysages sonores est alors ouvert, où domine, cette fois, les monstres comme Brian Eno, David Byrne ou David Bowie. Musique théâtrale, mais parfois aussi plus retenue, camériste, poétique. Le morceau présenté du dernier labum de Bowie qui est un chef d’œuvre, est représentatif. Je connaissais le Bowie des années 70, mais j’ai découvert tout autre chose avec Tin Machine, que les gens n’aiment pourtant pas trop, notamment la période berlinoise (dont le chef d’œuvre absolu Low). C’était aussi l’occasion de passer voir If there is something, cet incroyable morceau de Roxy Music transfiguré par Reeves Gabrels. Et de saluer donc ce punk chic des Talking Heads ou le génie d’Eno.
24. Dan The Automator, mais laquelle choisir ?
25. Enio Morricone Chi l’ha vista morire ?
26. Eno et Byrne Two Against Three
27. David Bowie Girls Loves Me
Vers le punk et le bruit : le blanc
Que dire ? Que les Sex Pistols, dont on faisait grand cas, lorsque je les acoutai la première fois, me déçurent durablement. Que je trouvais ça… mou. Qu’Exile on Main St des Stones me semblait beaucoup plus violent (Rip this joint par exemple), transgressif et intelligent. Bon.
Puis on oscille soit entre la violence pure de Crass, ou le punk raffiné (qui n’a plus rien de violent ou rapide, juste éminemment marginal).
28. Crass, Demoncrats
29. Rachel Sweet Tourist Boys
Et puis peu à peu le post punk, dont je ne retiendrai ici, entre Magazine, Wire ou les Raincoats (et sans parler de nouveautés, pour moi ! qui méritent toute l’attention : Au Pairs et Alternative Television), que les meilleurs, les plus droits : Gang Of Four. Avant je cite aussi Jona Lewie pour ce côté déjanté, complètement décontracté qui est l' »inverse de la violence, ou une forme plus domestique peut-être (et que j’associe souvent à Ian Dury, par exemple)
29. Jona Lewie You’ll Always Find Me In The Kitchen At Parties ou Ian Dury
30. Gang Of Four Damaged Goods
Et pour se rédimer, ceux par qui tout arriva, dans cet album tout à fait potable et dans l’histoire du groupe, et dans la période où il est sorti (1986, c’est-à-dire l’année de Brothers in arms), et tout à fait digne. D’autant que ce morceau en particulier autorise un des rares improvisations voix/batterie, mais la relation à l’époque entre Jagger et Watts est une autre histoire…
31. The Rolling Stones Dirty Work
La chanson
En chantier : j’aime la chanson, le format chanson, et voilà. J’en ai écrit. J’en ai chanté. Impossible de résumer ça en deux mots. C’est un genre à part, pas du tout mineur selon moi (pas du tout d’échelle selon moi), et pas facile de choisir l’un ou l’autre. Ici je pars du blues, pour la transition avec les Stones, et je cite Simon plutôt que Newman, et Brel plutôt que Brassens parce que je n’ai pas la place, il me fallait un italien, voilà.
32. Elmore James It hurts me too
33. Neil Young, Pardon My Heart
34. Paul Simon, 50 Ways to Leave Your Lover
35. Jacques Brel, Fernand
36. Alain Bashung, La ficelle
37. Fabrizio de Andrè, La domenica delle salme
L’amoderne
Je termine par une longue séquence de musiques plus ou moins expérimentales et instrumentales. En partant de la tradition folklorique, puis par la musique de chambre, et de cordes, qui me scie en deux, jusqu’à l’électro la plus bizarre ou quelques synthèses hardies des Residents ou de Pere Ubu… (oui il manque Moondog, mais quelque part, je l’ai associé au Kronos Quartet qui interprète ci-dessous Partch et Jonson).
38. trad. Cade la ‘liva
39. Partch & Jonson Two Studies on Ancient Greece
40. Vladmir Shostakovitch, String Quartet 3
41. Henryck Gorecki, String Quartet 2
42. Arthur Russell The Name Of The Next Song
ou
42.bis Why? & Odd Osdman (Reaching Quiet), Track 13
43. Krazy Baldhead Revolution (Para One Mix)
44. Throbbing Gristle 20 Jass Funk Greats
45. Acid Pauli Abbebe
46. The Ace of Clubs Whorgan
47. The Residents Bach Is Dead
48. Kevin Ayers Song From The Bottom Of A Well
49. Pere Ubu Dub Housing
Le mort de la fin
50. Syd Barrett Dominoes
Une espèce de (très beau) clip :
Et la version hommage (et acoustique) de David Gilmour :
Il faudrait encore citer Richard Wright et Roger Waters, de Pink Floyd, que je n’ai pas cités, même pour leurs travaux solo, mais le groupe sait ce qu’il leur doit, l’un pour ses paysages, l’autre pour les textes et les chansons.
(Enfin, dois-je l’avouer, en observant les arrivées des pistes sur les ordinateurs, je constate l’agenda des écoutes : la plupart datent d’après 2010 !)