Luciole du fleuve — mon âme entre les feuilles du gattilier. Giuseppe Scarane Un homme peut être l’ennemi d’autres hommes, d’autres moments d’autres hommes, mais pas d’un pays : pas des lucioles, des mots, des jardins, des cours d’eau, des couchers de soleil Jorge Luis Borges Texte de 1975 (Écrits corsaires),…
Catégorie : Vademecum
Pier Paolo Pasolini •
Jean Douassot/Fred Deux. La Gana, 1958
L’oncle détestait ce que je détestais. Du moins étais-je toujours de son avis (ou lui du mien) quel que fût le sujet, les bêtises ou les faits que nous ignorions parfois l’un l’autre. Nous pouvions parler de ce que nous ne connaissions pas, soutenir et préciser dans le mensonge tout ce que nous ignorions. Et…
Marcel Arland. La musique des anges, 1967
Je me suis enfin étendu ; la fatigue m’a fermé les yeux, cloué les membres, rivé le corps, vidé l’âme. Mais voici: Je n’étais rien, cependant je ne me sentais plus seul. C’est une approche qui s’annonce, je la devine, je l’approuve ; elle est en moi qui suis en elle. Immense, profonde, elle me…
Dino Campana • Femme génoise
Tu m’as porté un peu d’algue marine dans tes cheveux, et une odeur de vent, qui venait de loin et revient lourd d’ardeur ; il était dans ton corps bronzé : – Oh ! divine simplicité de tes formes élancées – Pas d’amour, pas de spasme, un fantôme, une ombre de nécessité qui passe sereine…
Louis Guilloux, La confrontation
Voilà donc grosso modo comment nous débutâmes. Finalement, je débarrassai une chaise et vous l’offris. Vous avez pris ce geste pour un consentement de ma part. Je l’ai parfaitement compris mais je n’ai rien dit. Vous, vous êtes tout de suite entré en affaires. La main sur votre portefeuille – déjà ! – vous m’avez…
Antonio Tabucchi • Message de la pénombre
notre traduction La nuit, sous ces latitudes, tombe à l’improviste, avec un crépuscule éphémère qui ne dure qu’un souffle, puis c’est l’obscurité. Ma vie tient dans ce bref espace de temps, pour le reste je n’existe pas. Ou si, je suis là, mais c’est comme je n’y étais pas, parce que je suis…
Italo Calvino • L’ubac
(notre traduction) On appelle « ubac » — en dialecte ubagu, le lieu où le soleil ne tape pas, et en langue correcte, selon une locution plus recherchée : a bacìo1, tandis qu’on appelle a solatìo2, ou « adret » — abrigu en dialecte — le lieu ensoleillé. Le monde que je décris est celui-là, une sorte…
Henri Michaux, La nuit remue, 1935
L’âme adore nager. Pour nager on s’étend sur le ventre. L’âme se déboîte et s’en va. Elle s’en va en nageant. (Si votre âme s’en va quand vous êtes debout, ou assis, ou les genoux ployés, ou les coudes, pour chaque position corporelle différente l’âme partira avec une démarche et une forme différentes c’est ce…
Maurice Blanchot, L’attente, l’oubli
C’est une chambre assez longue, anormalement étroite, il s’en est déjà aperçu ; mais ce resserrement d’une pièce légèrement mansardée lui donne l’aspect d’un couloir, par suite de cette présence à l’une des extrémités, présence qui accentue le déséquilibre des dimensions. Ce qui fait penser qu’elle connaît familièrement la chambre, c’est que lorsqu’elle y entre, probablement…
Joseph Joubert, Pensées
Il ne faut qu’un sujet à un ouvrage ordinaire mais pour un bel ouvrage, il faut un germe qui se développe de lui-même dans l’esprit comme une plante. Le goût augmente la mémoire il y a la mémoire du goût; on se souvient de ce qui a plu. Il y a aussi la…