Je revois Sollers, le texte – que j’ai laissé ci-dessous – n’étant pas du tout juste.
J’ai eu le loisir de lire le numéro 100 et les numéros 101-102 de L’Infini fêtant tous les deux ou trois le centenaire de la revue. Revue dont on ne sait plus très bien si elle est à la seule gloire de son héraut.
A côté de très pratiques index, traditionnels lors de ces évènements, nous avons la chance d’accéder à un album photo très complet des vacances de M.Sollers à Paris, Venise, New-York ou Moscou ou encore au pays de la littérature.
Philippe Sollers a cherché à faire de son œuvre sa vie, ou réciproquement, comme pourrait le faire, que sais-je, Borges, ou mieux, Pierre Ménard. C’est une entreprise très fine, qui requiert une intelligence et une humilité supérieures, ce dont Sollers sans doute ne manque pas.
Mais lorsqu’on observe un peu mieux, quel engagement lit-on ou perçoit-on ? Et je ne parle pas d’engagement politique, sur ce point Philippe Sollers est irréprochable. Mais lorsqu’on a ôté ses deux ou trois premiers livres, bons et prometteurs, et qu’on a compris comment Tel Quel s’est déplacé du côté de Barthes, Foucault et Derrida, puis comment, par un étrange mouvement qui tient à la fois de la spirale et du revers, Tel Quel, s’inspirant de Bataille ou Artaud, à longueur de pages, mais rejetant à la fois Blanchot ou Thévenin, s’est focalisée sur la vie même de l’auteur en question, jusqu’à l’Infini : ses fameux secrets parisiens, son impertinence bonne pour les spectacles télévisé d’un Ardisson, comme un d’Ormesson, dont il serait la face cachée, sinistre, son porte-cigarette et sa grande habilité de langage (qui trahit, n’est-ce pas, une grande érudition, c’est certain, et beaucoup d’humour, c’est sûr) font partie du personnage.
Et de fait il ne pouvait en être autrement, le voilà chantre de l’autofiction.
Mon désaccord est sur un autre point : il faut retirer à Sollers le monopole de parler de Venise, certes, il faut aussi chercher à comprendre à quel point Maurice Blanchot le gêne à ce point.
Un récent article dans le Nouvel Observateur ressasse les mêmes lieux communs au sujet de celui qui, tout au long, refusa d’apparaître publiquement, au contraire de l’habile et adroit Philippe.
On peut aussi simplement constater qu’il n’est pas nécessaire de prendre la pose pour être un bon écrivain et que là où Sollers est le meilleur, c’est quand on ne le voit ni ne l’entend.
Je vois mal comment on pourrait comprendre d’ailleurs le trajet d’un homme quand on ne sait plus l’atmosphère d’une époque, et je ne viendrai pas clouer au pilori l’industrieux sous prétexte du maoïsme de Tel Quel ; ni du pragmatisme digne de la Realpolitik de L’infini. Jusqu’au comble du vulgaire.
NB. Depuis cette chronique, le texte incriminé a paru, par un heureux hasard, dans le numéro 104 (automne 2008) de la revue L’Infini. (30 septembre 2008)