Voici l’échange mensuel des Vases communicants, et carte blanche ce mois-ci à Samuel Dixneuf, qui accueille un texte intitulé Rimini.
Le soleil doit être déjà haut. Bientôt mes vêtements seront mouillés de chaud. Ma veste rêche des embruns salés s’assouplira un peu. Des sons tout à l’heure encore indistincts prennent forme de mots. De cris plutôt. De joie, je crois. Des familles entières, des ballons, des jeux, de grandes serviettes, des vieilles à la peau tannée par le soleil, comme moi. Des vieux qui d’une nage lente déroulent leur membres trapus. Et la mer qui s’offre, clémente.
Le soleil doit être déjà haut. Près de moi je sens des pas prudents sur les rochers. Des enfants m’observent, de dos. Ils sont curieux, mais craintifs. Je suis une masse recroquevillée, habits informes sur un rocher. Une capuche dissimule mon visage. Est-il vivant celui-là ? Que fait-il ? Il est dangereux peut-être ou alors malheureux. Les enfants gardent leurs distances. De petits gloussements, des chuchotements et soudain les pas se précipitent loin de moi.
Je ne compte pas mon sommeil, je ne dors pas vraiment et pourtant, la nuit, sur le rocher, je ne pense plus au temps. A deux doigts de l’immensité, je sens les vagues venir à moi, imperturbables ; diffracté le fracas de leur course prend fin sous la vieille jetée. Je n’attends pas le ressac.
Je suis l’immigré tunisien.
Je suis le boat people.
Je suis le japonais irradié.
Je suis l’homme sans toit.
Je suis l’homme sans activité.
Je suis l’homme sans mobile.
Je suis l’homme immobile.
Les nuits tourbillonnantes, je ne pense pas au soleil au nadir, je ne pense pas au retour des lumières, j’embrasse l’obscurité, je pars, loin dans la valse du temps, de la mer allée avec les étoiles.
Le soleil doit être déjà haut. Ne plus penser au corps endolori. Une mouette scrute l’horizon, l’une de ses pattes est atrophiée.
Il faudrait partir, mais je ferme encore les yeux.
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j’aime la progression des mots comme un petit lamento discret, et le désir d’abandon final