Où l’on apprend que…
§ Je savais que ma femme me trompait, mais quand j’ai appris qu’elle le faisait avec le voisin du dessus, ça a dépassé les bornes. N’ayant pas le courage de la répudier ou de lui raser la tête, j’ai cherché par tous les moyens à lui pourrir une semaine de sa vie. Depuis qu’elle ne vit plus ici, c’est sûr, j’ai pris des aises. Mais qu’elle vienne au-dessus de chez moi pour se venger de je-ne-sais quel échec qu’elle aurait agioté à notre couple, c’est trop.
§ J’avais déjà, dans mon insomnie, réussi à envisager les déplacements de ce connard de voisin, de sa bruyante femme et de leur gamin, et repérer, à mon plafond vide, les pièces et leur découpage, quelques tiroirs, quelques placards, les parquets ou tombent les balles et les billes, et puis le chiotte, la cuisine, le lit, mais ça c’est plus facile. J’ai des zones vides, et des zones trop trafiquées. J’ai des passages et des stations. J’ai tout ce qui n’entre pas sur mon plafond, et l’excède. J’en ai fait un plan.
§ Par chance mon lit n’est pas sous leur lit — mais les amants ne font pas toujours leur chose dans un lit, n’est-ce pas ? Un soir : ils le font quand je suis là, chez lui, qui trompe sa femme, sa famille. Elle, d’habitude réservée, déchire son cri à travers les murs. Salope, le fait exprès pour bien qu’on entende, lui et moi, et les autres. Quelle délicatesse. Quelle attention. Mais, ma belle, tu vas maintenant payer. Tu vas maintenant comprendre ta douleur, et qu’il faut pas m’emmerder moi. Tu comprendras. Tu comprendras. Crois pas que j’ai que le plan de l’appart de l’autre con. Crois pas que j’ai juste de l’aigreur ou des larmes, de nous. Dans mes larmes y’a des petites lames, de petits rasoirs. Tu vas bientôt comprendre que • mes larmes sont coupantes comme des étoiles chinoises.