Mon père parfois faisait les nuits.
Entre une baratte d’ivresse et un colère rentrée, parfois la nuit se balayait en aube. Le prenait alors le désir d’observer le levant et il assistait aux oiseaux.
Il racontait, émerveillé, comment l’émerveillait le chant du merle.
Cette fontaine accumule en lui des puits de larmes.
Il rit, en nous la passant comme de rien.
Parfois, à l’aube, quand j’entends le merle, ou la nuit, le rossignol, je pense à lui.
Une fois j’ai rêvé de lui aussi vrai, qu’il était là, et là avec moi tout le jour, comme si tout le jour j’allais le rencontrer au détour d’une rue.
Que faisons-nous de nos morts ? et combien de temps après leur enfouissement, leurs racines reprennent-elles vigueur, dans le sombre, sous le sombre ?
Oui : il y a des fantômes, et nous les aimons, nous les chérissons, nous les entretenons.
A sa mort, un ami m’a dit : tu vas voir vibrer tes rêves. J’ai attendu longtemps, comprenant ce qu’il voulait dire, mais ne trouvant pas ; puis j’ai oublié.
Aujourd’hui je comprends.
Les morts, ils restent en nous comme des graines semées autrefois. Puis croissent, et peut-être alors ils mourront à nouveau ; afin que nous puissions à notre tour savourer le trille du merle.
J’essaie de pratiquer les trilles du merle qui vient dans les feuillages du chêne proche de mon jardin.
C’est un bonheur que d’imiter ses merveilleuses vocalises siflantes pour moi qui suis seul.
Votre texte est très beau et poétique
Merci, mais par quel hasard y êtes-vous parvenu ? C’est un mystère comme le merle au moins.