La musique de Pink Floyd, malgré sa grande variété d’époques et de styles, possède toujours un pouvoir de fascination sur l’auditeur. Qui dit fascination dit image : nous sommes littéralement emporté par une vision sonore et si le terme de psychédélique signifie quelque chose, c’est peut-être cela : emporté sur un prisme sonore, un paysage auditif ; et alors que le groupe n’a jamais cédé ni au délire « psyché » ni aux machinations « hippies », et s’est toujours trouvé aux marges de ces mouvements, tout comme des auteurs de la beat generation, il cède volontiers au spectacle, de par son attrait pour les films, la danse, le théâtre, jusque dans le pompier (meilleurs exemples : Atom heart mother et The wall).
Le groupe aussi, notamment par le biais du canal textuel de Roger Waters s’approche volontiers de l’allégorie, comme dans les albums de la maturité, à partir de Dark side of the moon.
Ce dernier conserve toute mon affection, mais je voulais toutefois revenir sur deux autres albums, moins souvent appréciés à leur juste valeur : Animals et The final cut.
Pourquoi ces deux albums ? Assurément sont-ils les deux disques dont la musique a le moins mal vieilli (et surtout Final cut), mais leur puissance vient non seulement de la musique, mais encore de l’interprétation, des arrangements et des textes. Ce sont des disques complets, totalement uniques dans l’histoire d’un rock duquel ils se trouvent sans doute à la frontière.
Dogs, par exemple, sur Animals est une chanson incroyable, révélée à sa juste valeur par Waters (et Jon Carin) lors de sa tournée actuelle ; et tout Final cut nécessite une approche lente et tranquille : les deux disques sont sombres, comme The wall (ou Wish you were here), mais moins porté qu’eux à la démonstration.
La construction sonore (harmonique et rythmique) de Final cut est ahurissante de finesse et de force ; sa production est impeccable, et le son est incroyable : je rappelle qu’en 1983, la tendance est à la boîte à rythme à la musique futile, aux synthétiseurs mal utilisés, aux costumes idiots. Je trouve enfin que l’engagement de ce disque, de son auteur, bien sûr, à la fois dans la politique et l’autobiographie, est plus que respectable (avec attaque directe de Maggie Thatcher et de sa politique internationale, d’Israël aux Malouines). Et l’ensemble présente plus de recul que la simple folie de The wall, dont l’exploration a commencé dans Wish you were here et la chanson Brain damage : « The lunatic is on the grass » de Dark side… Ici les racines sont plutôt à chercher dans Free four sur Obscured by clouds et peut-être Cymbaline sur More.
Ces quelques phrases trop courtement développées ne veulent pas faire une revue de texte ou de disque, simplement redonner à écouter des monuments de la musique contemporaine trop souvent méprisés parce qu’ils sont exigeants.