Une rue qui est vide. Là-dessus, un banc, qui est vide aussi. A côté du banc, une porte fenêtre, ancienne, bois décati, verre poli ondulant la lumière ; guise de napperon à la fenêtre, mauvaise broderie. Noire, cause mouches.
Dedans : une radio, ténue, fil grésillant, égrène des résultats de courses, lévriers, cheval, coureur cycliste, on ne peu discerner. Peu importe, le résultat est le même, un gagnant, pas davantage. Sol de ciment antidérapant. Peintures acryliques écaillées aux murs. Carreaux noir blanc noir blanc dessus évier. Vieil évier, plusieurs chocs, vieux savon noir, vaisselle de verre, jaune transparent, vert transparent, verre à moutarde. Bref, tout est vieux.
Noir blanc noir blanc, si on suit les carreaux, on arrive au couloir, à droite, par terre, les mêmes, alternes, prévisibles sur des kilomètres ; la radio se rapproche, un jeu peut-être, de toute façon, même la radio fait vieux, transistor poussiéreux, lampe fatiguée. Si tu vas tout droit, autre porte fenêtre sur jardinet, capital en ces jours. A gauche, salon, à droite encore, chambres. Pas la peine de voir les chambres. A gauche, alors : salon, vieux meubles années cinquante, sky rouge, sky vert, table basse de fer forgée, scènes de chasse émaillées. Tapis. Râpé, est-il besoin…
Ce n’est qu’un journal qu’on voit, un vieux journal comme le Journal du Dimanche, ou le Parisien, plus médiocre que humble. Deux mains le tiennent, deux pieds le soutiennent, on ne voit rien d’autre.
La une parle d’otages ou de guerres, choses intemporelles, choses pérennes, seul un détail choque : un petit trou de cigarette, qui rougit tout juste, puis disparaît en carbone. La cigarette s’est consumée aussi. Le temps ne passe pas.
Derrière les mains, l’oncle Auguste tient son journal, mais raide mort.
Ses yeux grand ouverts sont fixés sur le vide blanc. Depuis plusieurs heures, Auguste est mort devant la page « International ».