J’aurais dû substituer aux lucioles les dauphins, puisqu’on fait grand cas de leur retour dans les eaux assainies de la Méditerranée. Mais à part le fait que les dauphins ne sont pas si ‘cools‘ que ça, je n’ai pas pu m’empêcher de faire un clin d’œil aux lucioles.
L’autre titre est : Les pieds ont de l’imaginaire. Je l’ai rêvé cette nuit, ce titre (je rêve de plus en plus de formes textuelles, c’est très étrange). Je veux dire par là que, incapables de se mouvoir, ils se projettent dans la marche et l’amble, un peu en vain peut-être.
Que ne lira-t-on pas sur l’incroyable, l’imprévue, l’inattendue épidémie due au SARS-CoV-2 et des tout aussi incroyables, imprévues, inattendues conséquences sur nos vies quotidiennes, puis sur nos vies en société (nationale, ou moins, ou plus), et finalement sur le système même, sous-entendu les mécanismes de la mondialisation, sous-entendu les principes à l’œuvre du néolibéralisme.
Que ne lira-t-on pas que le moment est venu, que l’opportunité se présente, que la chance dans le malheur, que nous devons préserver cette solidarité retrouvée, qu’il faut restaurer la responsabilité sociale, qu’on doit, qu’il faut, que, que…
Tout le monde, nous attendions cette catastrophe, je crois, je le crains, et chacun nous nous prenons à rêver qu’un autre monde est finalement possible, à portée de main.
Que n’entendrons-nous pas de la part des catastrophistes, collapsologues, climatomanes, et tous les autres fauteurs d’inutile (je pensais moins à Thumberg qu’à Morin ou Latour, chacun dans leur genre : tous, et tous les autres, se sont exprimés d’une manière ou d’une autre, en tribune décourageante de vacuité, voire la provocation, ce dernier allant jusqu’à écrire dans le Monde que la crise permet de comprendre que « la définition classique de la société – les humains entre eux – n’a aucun sens »…
Simplement, je voudrais, aussi pour ma propre mémoire, marquer quelques éléments qui me paraissent utiles avant tout renversement de la table.
*. D’abord on ne sait absolument pas comment on va sortir de ça. On n’a aucune idée de l’état des troupes après la guerre, (un peu comme dans toutes les guerres j’imagine), d’autant que :
*. on ne sait pas quand on va sortir de ça ; si au début on estimait que les courbes se suivaient grosso modo, d’un pays à l’autre, l’explosion des cas et des décès en Italie semble montrer un certain idiome italien et même lombard, padan [je corrige ceci car, suivant les courbes quotidiennement, je vois la même progression encore aujourd’hui, le 26 mars, entre tous les pays européens].
*. à ce propos, il est plus que jamais question de prendre tous ces modèles statistiques avec les plus grandes (ou petites) pincettes, avec les pincettes les plus prudentes, car sans doute une liasse immense de facteurs est ici en jeu, qui mettent à mal les prévision et les composantes principales ; j’en suis persuadé (je l’ai écrit par ailleurs), avec le vivant, les modèles statistiques donnent des éclairages, mais en aucun cas on ne peut en déduire (comme c’est hélas trop souvent le cas en gestion de l’environnement) des faits avérés. De plus, dans le cas présent, le flou volontairement fabriqué par le gouvernement français empêche toute comparaison sérieuse ; si les Italiens supposent que le nombre de cas lombards et 3 à 4 fois supérieurs à ceux qui sont constatés, on n’a aucune idée du possible nombre de malades en France (sans compter les décès qui sont comptés de manière différente dans les deux pays).
*. si on voulait saisir l’occasion pour mettre à bas le capitalisme, il faudrait déjà réunir plusieurs conditions qui me paraissent essentielles :
1. il faudra de l’argent, un peu, or cette crise va défoncer le trésor ;
2. il faudrait une assistance respiratoire à notre cerveau collectif, c’est-à-dire qu’il faudra encore largement décoloniser nos attitudes, nos expériences, nos aspirations, nos corps, de l’individualisation consumériste ; et si on consomme moins actuellement, on est encore beaucoup tributaire de l’industrie culturelle et de l’agriculture intensive numérique.
3. il n’empêche jamais, il n’empêchera jamais, il n’aura jamais empêché, on ne sait plus comment dire, qu’une refonte sera/it nécessaire de nos systèmes politiques d’organisations et donc, redéfinir l’état social, réfléchir à la représentativité, repenser l’organisation du territoire, avec son peuple et ses frontières…
*. assurément, la France devra aussi faire les comptes, entre une capitale centrale en total décrochage d’avec la réalité, une ruralité à la dérive et des périphéries urbaines en roue libre… le retard et l’arrogance du gouvernement français ont éclaté au grand jour – si cela n’avait pas déjà été le cas après deux ans de gilets jaunes et six mois de grèves contre la réforme des retraites.
*. il s’agira donc de refaire société, c’est-à-dire qu’on se mette d’accord sur ce qu’on veut partager comme paysage commun ; je ne sais pas comment ont peut faire autrement ; mais je ne sais pas bien nom plus comment on peut faire ‘tout court’…
*. ce qui éclate également spectaculairement c’est l’inutilité et l’inanité des structures supérieures comme l’Union européenne ; incapable de décision et d’action, son rôle s’est résumé à des admonestations et des félicitations hors de propos ; notons que nous n’avons même pas à regretter cette nullité, puisque l’UE n’a pas d’appréhension politique des évènements, qu’au contraire elle cherche à imposer (avec d’autres) une organisation postpolitique du monde; de fait elle n’a que peu de pertinence, ou de validité, ou de densité ou de prise sur le champ social ou plutôt sociétal ; elle ne connaît ni frontières, ni nation, ni citoyens, elle n’a donc rien à dire et aucun rôle à jouer ; cela enfin est la bonne nouvelle : que tous voient combien elle est aussi inutile que nocive.
*. en contrepartie on est étonné de voir combien l’état social, ce vieux machin démodé et dangereux selon les uns et les autres, les anarcho-libéraux, est non seulement le seul qui tienne le choc (le marché, par la force des choses, se réduisant comme peau de chagrin), mais également le seul vers lequel se tournent les uns comme les autres : les citoyens bien sûr, les professionnels de la santé, les professeurs, les transports, etc. Et il est le seul, comme on voit, à pouvoir mettre les moyens (certes limités au regard des sommes dégagées par le CEO en parachutes dorées et intéressements divers) et à vouloir le faire.
*. nous découvrons enfin un nouveau rapport au temps : cette crise nous offre à la fois un grand don de temps (ce truc inestimable), que nous devons réapprendre à occuper (une fois le ménage, la lessive, la comptabilité mis à jour, nous apparaît la possibilité d’écrire, de cuisiner, de prendre soin de nos proches) et à la fois la destruction pure et simple de notre mémoire avec la disparition de nombreux anciens ; est-ce là encore une occasion à saisir ?
Il y aura bien des choses à dire, mais pour l’instant, ce que je pense, c’est que nous ferions mieux de nous taire, d’accompagner la douleur des victimes et de leurs familles, de nous protéger et protéger les gens que nous pourrions croiser, et prendre le recul nécessaire à ce qui viendra plus tard, sans qu’on ait aucune idée de quand ce ‘plus tard’ adviendra. En tout état de cause, nous devons forger à nouveau des lucioles, si nous voulons prétendre les défendre ou les retrouver ; avant de renverser la table, nous devons nous mettre d’accord sur tous les éléments de la scène. Alors nous pourrons nous battre, ensemble, contre l’ennemi commun.
Pour l’instant ce n’est pas le cas, je le crains.
(Pour l’instant je suis fasciné par l’être virus : on le nomme acaryote, un organisme pas tout à fait vivant (mais pas inerte) et qui brasse de la donnée génétique et du contenu protéinique… comme un globule rouge…
Cela me fascine : cet être-à-la-limite à l’origine de l’arrêt du monde et du retour des dauphins/lucioles ?)
« Retour des dauphins » : tu veux dire depuis la crise Covid-19 ?
« Cette crise va défoncer le trésor » : après tout, n’est-ce le rôle des économies (bas de laine) de subvenir aux besoins en cas de problème ? Si oui, tout est dans l’ordre des choses… la question pour moi serait davantage comment va-t-on employer tout cet argent… il me semble que c’est à ce moment précis qu’on peut définir un nouveau modèle en décidant de ne soutenir que les pans de l’activité plus vertueux pour la société, le climat, les hommes les peuples la nature (?) … en 29 le monde s’est sortie de la crise en s’armant massivement et en faisant une guerre mondiale… puisqu’on est dans une rhétorique guerrière, déclarons la guerre au néolibéralisme, fléau de tous les fléaux, et orientons nos économies et nos sociétés pour un monde plus solidaire et économe grâce a l’argent du trésor et allons chercher le reste la ou il est (dans la poche des GAFAM et des grandes fortunes par exemple).
« L’individualisation consumériste » ; proposition : ne pas employer cette expression mais employer plusieurs mots pour dire ce que c’est… sinon ça fait discours idéologique et donc clivant.
« L’Europe » : tu conviens bien pourtant que ds le monde actuel entre la Chine de machin, les USA de truc et la Russie de l’autre, mais aussi la Turquie de bidule, l’Inde de celui que je ne connais pas ou le Brésil de l’autre l’autre, et Israël et Syrie et Iran et Égypte, et monarchies…. un seul état européen n’est rien dans ce panier de crabes, que dis-je de tourteaux ? Comment ne pas souhaiter une union démocratique des nations européennes ?
« Alors nous pourrons nous battre, ensemble, contre l’ennemi commun. » Les alliances créées en désignant un « ennemi commun » sont en général éphémères … dès que cet objectif extérieur désigne est atteint. Vient alors le temps des fractures internes dans l’alliance. Sans doute les alliances pérennes s’édifient-elles autour d’un plus petit dénominateur commun, qui peut être qui doit être ambitieux.
Sur le trésor, oui bien sûr, mais je veux dire, pour repartir après, surtout sur de nouvelles voies, ça va être coton.
Pourquoi pas de clivage dans le débat ? Je ne suis pas tellement pour le consensus à tout prix.
Sur mes propos guerriers, en effet, ce n’est pas très heureux, mais c’était pour reprendre la rhétorique… c’est pas faux ce que tu dis. le plus petit dénominateur commun est pour moi la société… le plus petit dénominateur commun est pour moi la société…
Mais j’en viens au point crucial : évidemment je serai pour une espèce de nation européenne, façonnée autour d’une société cohérente, avec une ambition commune donc… il n’est pas nécessaire qu’il y ait une seule langue, et encore moins une seul religion, une seule ethnie, une seule culture… c’est ce que nous a enseigné la Révolution… le tout dans des frontières (comment faire autrement) et sous forme d’état social, lol.
L’UE ne représente rien de tout ça, elle n’est pas démocratique dans ses institutions (Commission européenne), et elle ne l’a pas été dans son avènement (Lisbonne) ; l’euro ruine les économies nationales et, pour couronner le tout, elle ne jure que par le néolibéralisme. C’est plutôt flippant comme bateau non ?
J’appelle de mes vœux une union des pays européens mais cela nécessite de mettre à bas le monstre postpolitique qu’est l’UE. (Entre parenthèse ce qu’aucun des prophètes-en-retard sus cités ne prennent jamais en question, à se demander si leur discours alarmiste servait à détourner les attentions…
Pendant ce temps en Albanie : https://www.lagazzettadelmezzogiorno.it/news/bari/1215354/coronavirus-l-albania-invia-30-medici-e-infermieri-non-dimentichiamo-l-italia-che-ci-ha-aiutato.html