Ce texte [Acte 1, scènes VI] appartient à De par la ville de par le monde, un roman en cours d’écriture, en six actes et soixante-douze chapitres, qui traite de la figure d’Auguste dans l’Empire romain et au-delà, sporadiquement mis en ligne ici… et exposé là.
Cesautica-claunegalo-vivestido, dit-on… Netrajhadan-marcospepca, ajoute-t-on.
Connais-tu tous tes empereurs romains, ô lecteur ? Tu verras vite qu’il en manque toujours un. Ce court texte propose quelques rappels historiques utiles à la suite de l’histoire.
Auguste, Octave, puis Octavien nommé auguste par le spqr, est ainsi le premier (pas tout à fait le premier, d’après Suétone, qui lui, parlant de César, commence par Jules) des empereurs. C’est lui qui créé la charge et c’est effectivement lui qui changera pour toujours le cours de l’histoire du monde, de manière encore plus décisive qu’Alexandre le Grand roi de Macédoine (> 7).
Le monde moderne repose sur les bases qu’il a lui-même imaginées et façonnées, encore plus que sur les bases de la République qui le précédait. La mainmise subséquente de L’Église catholique (romaine) d’une part, et le développement remarquable et fulgurant des États-Unis d’Amérique, bien plus tard, en sont d’évidentes conséquences. Son règne, de 27BEC à 14EC est l’un des plus longs de l’Antiquité, et il a peu à envier, à ce niveau-là, aux monarques totipotents successifs (Louis XIV en tête), surtout en ces temps reculés. Il est le premier des empereurs romains et celui qui a eu le plus long règne.
L’Empire romain proprement dit naît en 27BEC avec Auguste et se poursuit sans interruption jusqu’en 395EC et Théodose 1er. On distingue trois périodes dans cette première ère, le Principat (jusqu’en 235EC et Sévère Alexandre), la Crise du IIe s (de 235EC à 284EC), et le Dominat (jusqu’à Théodose 1er). Le Dominat s’oppose eu Principat en ce que le peuple n’a plus d’apparente forme de représentation démocratique (spqr) mais est considéré comme soumis au monarque, lequel devient directement fils de Jupiter. Dioclétien en est le premier représentant, même s’il instaure la tétrarchie, un règne séparé entre Occident et Orient (confié à Maximien sur lequel toutefois il conserve la suprématie) ; son règne est marqué par le début de la grande persécution des Chrétiens en 303EC, mais l’avènement des Constantiniens fera basculer l’empire dans le catholicisme, avec Constantin, puis Théodose.
En 395, il est divisé en deux entités, l’une, occidentale, qui perdure jusqu’en 476EC et Romulus Augustule, l’autre, orientale qui se poursuivra jusqu’à Constantin XI en 1453 (avec une courte période de division entre Alexis V et Michel VIII et la ‘parenthèse’ de la division de l’Empire).
On compte 164 empereurs romains, dont 58 approuvés par le spqr, 39 usurpateurs légitimés a posteriori et 54 usurpateurs illégitimes.
La liste telle qu’on la trouve dans les encyclopédies banales :
Sommaire
Principat (27 av. J.-C. – 235)
Auguste · Tibère · Caligula · Claude · Néron · Galba · Othon · Vitellius · Vespasien · Titus · Domitien · Nerva · Trajan · Hadrien · Antonin · Marc Aurèle (avec Lucius Verus) · Commode · Pertinax · Didius Julianus · Septime Sévère · Caracalla · Geta · Macrin (avec Diaduménien) · Héliogabale · Sévère Alexandre
Crise du troisième siècl (235-284)
Maximin le Thrace · Gordien Ier et Gordien II · Maxime Pupien et Balbin · Gordien III · Philippe l’Arabe · Dèce (avec Herennius Etruscus) · Trébonien Galle (avec Hostilien puis Volusien) · Émilien · Valérien · Gallien (avec Salonin) · Claude le Gothique · Quintillus · Aurélien · Tacite · Florien · Probus · Carus · Carin · Numérien
Dominat (284-395)
Dioclétien · Maximien · Constance Chlore · Galère · Sévère · Maxence · Maximin Daïa · Licinius (avec Valerius Valens et Martinien) · Constantin Ier · Constantin II · Constant Ier · Constance II (avec Vétranion) · Julien · Jovien · Valentinien Ier · Valens · Gratien · Valentinien II · Théodose Ier
Empire d’Occident (395-476)
Honorius (avec Constance III) · Valentinien III · Pétrone Maxime · Eparchus Avitus · Majorien · Libius Severus · Anthémius · Olybrius · Glycérius · Julius Nepos · Romulus Augustule
Empire d’Orient (395-1204)
Arcadius · Théodose II · Marcien · Léon Ier · Léon II · Zénon · Basiliscus · Anastase Ier · Justin Ier · Justinien Ier · Justin II · Tibère II Constantin · Maurice · Phocas · Héraclius · Constantin III · Héraclonas · Constant II · Constantin IV · Justinien II · Léonce · Tibère III · Philippicos · Anastase II · Théodose III · Léon III · Constantin V · Artabasde · Léon IV · Constantin VI · Irène · Nicéphore Ier · Staurakios · Michel Ier · Léon V · Michel II · Théophile · Michel III · Basile Ier · Léon VI · Alexandre · Constantin VII · Romain Ier · Romain II · Nicéphore II · Jean Ier · Basile II et Constantin VIII · Zoé avec Romain III puis Michel IV puis Michel V puis Constantin IX · Théodora · Michel VI · Isaac Ier · Constantin X · Romain IV · Michel VII · Nicéphore III · Alexis Ier · Jean II · Manuel Ier · Alexis II · Andronic Ier · Isaac II · Alexis III · Alexis IV · Nicolas Kanabos · Alexis V
Empire d’Orient divisé (1204-1261)
Empire de Nicée Constantin Lascaris · Théodore Ier · Jean III · Théodore II · Jean IV
Empire latin Baudouin Ier · Henri Ier · Pierre de Courtenay · Robert de Courtenay · Jean de Brienne · Baudouin II
Empire d’Orient restauré (1261-1453)
Michel VIII · Andronic II · Michel IX · Andronic III · Jean V · Jean VI · Mathieu Cantacuzène · Andronic IV · Jean VII · Manuel II · Andronic V · Jean VIII · Constantin XI
On observe également les lieux de naissance des empereurs :
Claude est le premier venu d’ailleurs, de Lugdunum (Gaule) (Lyon, 69, France) ; jusqu’à lui, et après on vient de Rome, d’Antium (Anzio, RM) de Lanuvium (Lanuvio, RM), plus souvent encore du Latium : Ferentinum (FR), Terracina (LT), Reatum (RI), Narni (TN).
Ensuite Trajan, puis Hadrien, viennent d’Espagne (Italica, Bétique) (Santiponce, Séville). Les Sévère viennent d’Afrique : Septime de Leptis Magna (Al Mourqoub, Lybie), Macrin de Césarée (Cherchel, Algérie), Héliogabale d’Emèse (Homs, Syrie), Sévère Alexandre d’Arka (Akkar, Liban). Après la crise du IIIe s., on passe en Thrace, Mésie ou Phrygie (Grèce, Macédoine ou Bulgarie) et après quelques exceptions romaines, gauloises ou africaines, en Pannonie pour le plupart empereurs illyriens (Sirmium, auj. Sremska en Serbie) et leurs successeurs jusqu’aux Constantiniens. Avec les Théodosiens, on revient en Espagne puis à nouveau en Pannonie. Les natifs italiques sont devenus rares.
Pendant ce temps, Auguste, à la fin de son règne, quarante ans après 27BEC donc, doit lui aussi songer à la suite ; et comme son oncle, il n’a pas l’embarras du choix. Lorsque Tibère sera sur le trône en charge de l’empire, on passera souvent du temps à le chercher ; non pas comme un trou dans la liste, une damnatio memoriae plus ou moins sénile, puisque de toute manière cette liste débute à peine alors, mais parce que cette charge, lui-même ne l’a jamais réellement désirée (LAV 6).
Tibère (Tiberius Cæsar Divi Augusti Filius Augustus), le numéro deux, l’empereur qui manque à l’appel ? Après s’être volontairement exilé à Rhodes (qu’il avait découverte lors de campagnes militaires), et alors que les héritiers légitimes d’Octave Lucius et Caius César (fils d’Agrippa) montent en grade et popularité, Tibère n’est qu’un simple citoyen cherchant à ne pas faire trop de vagues.
Marié de force à Julia, la sœur d’Auguste (mais la cérémonie n’aura pas lieu, Julia sera confinée avant sur l’île de Ventotene à cause de ses mœurs jugées trop libres), il reste attaché à sa première femme Vipsania (autre fille d’Agrippa d’un autre mariage). Auguste le force ensuite à adopter Germanicus, le fils de son frère Drusus, et l’adopte finalement quand Lucius et Caius décèdent prématurément (peut-être empoisonnées pas Livie, femme d’Auguste et mère de Tibère).
Auguste, à la fin de sa vie, en 14, l’appelle à ses côtés sur l’île de Capri, et celle-ci lui laisse une durable impression. Alors que les deux hommes rentrent ensemble à Rome, Octave est contraint de rester à Nola (en Campanie) et Tibère se dirige vers l’Illyrie. Mais il est rappelé d’urgence car Auguste est désormais mourant ; il mourra à Nola en effet. Ici les auteurs s’embrouillent : ont-il eu le temps de s’entretenir, la mort d’Auguste a-t-elle été accélérée par Livie, par Tibère lui-même ?
Quoiqu’il en soit, Tibère règnera dans la continuité de son prédécesseur de 14 à 23, tout en devant composer avec Germanicus, général très habile et victorieux, extrêmement populaire auprès du spqr, et qui entre directement en concurrence avec son propre fils, Julius César Drusus. Il l’éloigne donc de Rome et le place sous le contrôle du fidèle Gnaeus Calpurnius Piso (ex coconsul du futur-empereur).
Lorsque Germanicus décède, la popularité de Tibère descend en flèche (on soupçonne Piso de l’avoir empoisonné). Tibère s’est alors éloigné des affres de l’Urbs et reste durablement à Capri (de 23 à 37EC), laissant le champ libre à Séjean (Lucius Aelius Seianus), pseudo dirigeant, vulgaire préfet du prétoire… qui parvient à se débarrasser de Drusus, et sera donc à son tour supprimé.
Son héritage devient de plus en plus épineux, car s’il a pensé un temps désigner les enfants de Germanicus, ceux-ci disparaissent prématurément ; ne restent finalement que son petit-fils, trop jeune, un autre fils de Germanicus, Caius, le futur Caligula ; le frère de Germanicus, Claude, est exclu car jugé sénile.
Ayant quitté Capri, Tibère lui aussi s’est dirigé vers Rome, mais sa santé l’a contraint à se réfugier à nouveau à Misène, où il meurt finalement peut-être assassiné par Macron (le nouveau préfet, favorable à Caius) ou par Caius lui-même. L’image qu’il laisse, loin de Rome, est déplorable1.
L’héritage d’Auguste avait été affecté. Mais cela n’était rien encore en comparaison avec ce que Caligula, Claude, et enfin Néron, auraient fait de son nom.
- Suét. Tib. 59 :
Asper et immitis, breuiter uis omnia dicam?
dispeream, si te mater amare potest.
Non es eques; quare? non sunt tibi milia centum;
omnia si quaeras, et Rhodus exilium est.
Aurea mutasti Saturni saecula, Caesar:
incolumi nam te ferrea semper erunt.
Fastidit uinum, quia iam sitit iste cruorem:
tam bibit hunc auide, quam bibit ante merum.
Aspice felicem sibi, non tibi, Romule, Sullam
et Marium, si uis, aspice, sed reducem,
Nec non Antoni ciuilia bella mouentis
non semel infectas aspice caede manus,
Et dic: Roma perit! regnauit sanguine multo,
ad regnum quisquis uenit ab exilio. ↩