Pour qui connaît l’Italie, l’amateur de café et de cappuccino est passablement surpris de leurs médiocres qualités en France : ce sont les mêmes machines, souvent c’est le même café (certes pas toujours), et pourtant le café des bars français est irrémédiablement dégueulasse. Imbuvable. Insipide, ou trop amer, mais de l’amertume dégénérée de la mauvaise pression, passe ou mouture.
On dira que ce sont des particularités locales, et on ne s’en formalisera pas. Soit. On fera comme si cela n’était pas vrai aussi des fruits et légumes, des fromages et charcuteries, de la viande et du poisson et même de nos jours du vin.
Des amis italiens à Paris me disent que non, décidément, ils ne vont plus dans les restaurants, qui sont trop mauvais et chers, de surcroît. Ce qui les étonne, car on trouve sur les marchés de magnifiques produits et de sympathiques producteurs, consciencieux, passionnés, engagés, et avec encore des papilles fonctionnelles.
A moins de n’aimer que les hamburgers et les frites1, ou l’entrecôte… frites, on ne peut plus manger au resto en France — sauf à dépenser des centaines d’euros avec hélas souvent un résultat proche de la nouvelle cuisine. Il n’y a que les restaurants paumés et rustiques des fins fonds de campagne, quelque brasserie ça ou là, ou bien les chambres d’hôte/gîtes familiaux pour prétendre égaler ce que l’on ferait mieux et meilleur chez soi.
Les Italiens exilés à Paris ont d’ailleurs des astuces : des lieux de soutien culinaire psychologique, des filières particulières, pour cuisiner avec leurs produits et goûter leurs saveurs2.
La France, toujours volontaire et bavarde sur la question culinaire, comme orgueil national et motif politique ressortissant de l’exception culturelle (ce qui, soit-dit en passant, est une absurdité : comme s’il n’y avait pas une culture nationale stricte et riche en Italie, au Portugal, en Islande ou en Bulgarie, au Kazakhstan, en Somalie, au Myanmar ou aux USA !) ferait bien de la mettre en veilleuse. L’inscription du savoir-faire culinaire français à la liste du patrimoine immatériel de l’Unesco est une farce. Car c’est la France qui a vu la naissance et favorisé le développement de la grande distribution à tout va, c’est la France qui se classe parmi les champions européens et mondiaux de l’agriculture intensive, c’est la France qui nourrit ses enfants chez Sodexo.
Bref.
Il existe un petit secret, qui nous fait comprendre que les choses sont plus complexes qu’on veut bien nous le dire. Gare du Nord, il y a un restaurant de fast-food américain bien connu3 ; le cappuccino qu’on peut y boire (outre le fait que l’internet y est gratuit, ce que peu d’établissements “de chez nous” permettent) est le meilleur de Paris. Préoccupation de l’entreprise ? Qualité de la machine ou du produit ? Savoir-faire du/de la serveur/serveuse aux origines italiennes ? On ne sait pas. Mais c’est un fait.
Un fait qui nous fait comprendre qu’on n’est pas sorti du sable. Et qui devrait nous enseigner un peu d’humilité.
- J’adore le hamburger, mais pas tous les jours quand même. Et quant aux frites : en comparaison de l’institution des Flandres par exemple, quelle déception ! ↩
- On sautera le propos des épiceries italiennes qui si elles distribuent de vrais produits italiens, certes, le font à des prix exorbitants et ciblent une population aisée qui peut se permettre ces écarts gustatifs — soit une mode absolument honteuse : on trouve des beignets de courgettes à 35 euros le kilo, du Nero d’Avola à 17 euros la bouteille, des pâtes De Cecco à 4 euros le paquet de 500g. Cela s’appelle purement et simplement arnaque. ↩
- On pourrait aussi s’interroger, en passant, sur le fait que les grandes gares deviennent également, grâce à l’entreprise Gare & Connexions, des centres commerciaux ; si mettre un piano au milieu de la gare compense le fait d’avoir à prendre des Ouigo (filiale low-cost de la SNCF) ? ↩
ah je connais aussi un bar (barman front national) qui pour moi fait le meilleur café de Paris, ou le faisait… tolérable avec un petit bémol en rentrant d’Italie
sans quoi, oui il est infect
Un indice pour le trouver sans fouiller les cartes d’adhésion ?