En écrivant ce Minuscule requiem en fa dièse, j’avais l’ambition de rendre par les mots la relation sexuelle. J’aurais voulu dire la rencontre. J’ai le sentiment d’avoir échoué à le faire. Bien sûr le Requiem minuscule est celui du désir, qui se résout par la petite mort, et le taedium, sans doute plus prégnant chez les hommes que chez les femmes.
Je n’ai qu’une ambition, oui. Dire l’arrêt du temps, celui qui est sensible dans 1. les chansons ; 2. les cigarettes ; 3. le sexe.
Il était question du temps, de son abolition, de la durée et de son hégémonie. Temps : début, fin | Durée : non pas le temps écoulé entre le début et la fin, mais l’extraction même hors du du temps.
L’art d’aimer, l’acte sexuel est hors le temps. L’art d’aimer, l’acte sexuel est hors-temps, et éternel. Il abolit le temps.
Par la reproduction (qu’il induit et qui le suscite | même de manière inconsciente ou plus justement instinctive | même s’il la dévie, la biffe, l’empêche), l’acte d’aimer est proprement ce qui se joue de l’éternel dans le concret, le singulier. Par l’espèce qui agit en l’individu.
Par la répétition, le va-et-vient très concret d’un morceau du corps dans un autre morceau du corps, par sa répétition dans la journée, les ans ou la vie, l’acte d’aimer est simplement ce qui se joue du temps dans la durée. Par l’espace qui agit en l’individu.
Qu’est-ce que cette répétition, l’instauration d’un cycle ? Cette boucle qui se dédouble, tout au long d’une vie, d’autant plus dénuée de fonction que nous avons choisi de ne pas nous reproduire, mais d’user du système complexe des hormones pour le simple plaisir de jouir ?
L’art d’aimer, le rapport sexuel, est la seule expérience digne d’être vécu, la plus fondamentale, la plus importante.
Il était question de temps. Peut-être. De son abolition. Quand commence, quand finit l’acte sexuel ? Sûrement pas seulement par la pénétration ; pas par l’orgasme ou la jouissance.
De plus il n’est pas pertinent de découper comme suit le développement d’un rapport sexuel. Ce n’est ni excitant, ni juste, ni fidèle à la réalité. Les poses ne se détachent pas les unes des autres, et c’est simple excès de confiance dans le langage que d’avoir voulu décrit des positions Ce n’est donc pas dans la volonté de faire un genre de kamasutra que j’ai ainsi découpé mon texte en chapitres, comme un corps. Ni un blason. Peut-être un peu des deux. Mais surtout essayer de décrire l’ensemble au moyen de clichés, de photographies censées éclairer la jouissance du jouir.
Quand commence le rapport sexuel ? Il est déjà là présent, lorsqu’on s’habille, se déshabille, lorsqu’on s’inviter à déguster des mets qu’on pense raffinés, et qu’on débouche une bouteille de vin capiteux et ferme comme un Nero d’Avola de Sicile ou un Lacrima dei Monti di Mora des Marches. Il est déjà entamé lorsque tu vas chercher tel objet • je mate ton déhanché | lorsque je roule ma cigarette tu plonges sur ma langue qui humecte le papier.
Note. En observant la traîne des mots-clefs conduisant à ce texte, revient le syntagme « fa dièse cor ». Cette coïncidence me ravit, et c’en est assez dit.
Ita missa est :
- Minuscule requiem en fa dièse | 1. Introït
- Minuscule requiem en fa dièse | 2. Kyrie
- Minuscule requiem en fa dièse | 3. Sequentia (1)
- Minuscule requiem en fa dièse | 3. Sequentia (2)
- Minuscule requiem en fa dièse | 3. Sequentia (3)
- Minuscule requiem en fa dièse | 3. Sequentia (4)
- Minuscule requiem en fa dièse | 4. Offertorium
- Minuscule requiem en fa dièse | 5. Communio
- Minuscule requiem en fa dièse | 6. Absoute
B r a v o .