Aujourd’hui la mer est de sirocco.
J’ai marché avec Lisa en bord de mer, par chance il n’y avait personne, et de grosses vagues faisaient grand bruit.
(Elle m’avait invité à manger. Nous avons ouvert trois bouteilles de vin différentes, et toutes les trois étaient bouchonnées. Nous nous sommes rabattus sur une malheureuse bière.)
J’ai fait un tour de voiture pour la changer de place, et je suis passé par la montagne. J’ai donc croisé la famille de sanglier qui hante ces quartiers et les journaux depuis quelques semaines. Les deux grands (il y a en une demi-douzaine plus jeunes d’un an sans doute) étaient sur la route, et la mère en contre-bas avec les plus petits, son gros groin articulé dans les feuilles.
Je suis resté comme ça, une bonne dizaine de minutes, à les regarder ; la mère, d’habitude si soucieuse de la sécurité de sa progéniture, ne semblait plus faire attention à ma présence, les marcassins non plus. es bêtes sont plus ou moins familières, sinon domestiques. Les gens leur donne à manger sur les sentiers de marche, sur les parkings ; on les voit traverser les ponts dans les quartiers maritimes ; on les a même vu dans la mer ! Ça n’a pas de sens.
La proximité est sympathique, mais à mon avis nuisible pour l’une et l’autre espèce. Je me rappelle les monstres qui peuplaient mes forêts au pays. Des mâles noirs, hauts de deux mètres, pesant jusqu’à 300 kg ; les laies, impossibles de les regarder, tant leur œil est aussi féroce qu’autoritaire…
Ceux d’ici ont été croisés, clairement, avec des cochons ; cela leur donne cette couleur sympathique de jonc fleuri. Mais c’est comme si l’on mélangeait l’homme-de-nuit et l’homme-de-jour. On voudrait percer le secret du magone, on ne s’y prendrait pas autrement.
Je suis reparti, à travers tout le bois bancal que la route à flanc pénètre, c’est étrange aussi que cette ville se close par ce grand hangar à monstres…