Aujourd’hui la mer se venge.
Toute la matière poisseuse d’hier a été conférée aux humains, comme un don. La mer s’est libérée. Avec elle, un grand très grand ciel illuminé par une boule de feu laisse entrevoir nos peines contemporaines. Là-bas ce sont les vacances.
La vacance : un nouveau jour comme les autres. Rien ne s’est produit. Il n’y a rien de nouveau. Aucune épiphanie, aucun miracle. Tout est terriblement stable. La tempête, même, qui est précisément la fonction entropique de cette stabilité, comme je disais hier.
Les gens s’agitent, il y a une véritable tension sociale, il n’y a qu’à passer chez Salavatò le bariste, chez Andrea le barbier, il y a foule. Il y a de la viande partout, avec du sucre.
Il n’y a rien là-dedans avec quoi je puisse négocier. Je ne négocie donc rien. Je me cale, à la maison, contre ma guitare, je fais plonk plonk comme un Nicky Hopkins. Je fais plonk plonk quatre heures d’affilé, avec quelques minutes en plus.
Ces quelques minutes en plus sont le seul luminion de ma jounrée. Je les éteins bien vite, avant qu’ils n’embrasent le silence.
Il faut savoir rester sur sa faim, me disait mon grand-oncle bénédictin. Je ne sais pas ce qu’il faut faire, avec la faim. C’est tellement là et pas là en même temps, que je ne sais pas la photographier, chat quantique. Mais c’est cette incertitude, voire cette ignorance (pour ne pas dire ce déni) qui fait qu’on se lève chaque matin.
Chaque matin, je dois manger un repas complet. Je ne sais pas ce qui fuit pendant la nuit à ce point.
J’aime ça. Comme j’aime être en léger retard (à moins que ce ne soit une avance) sur tout le reste du monde, sur cet immeuble, cette ville, ce pays. Je suis une voix de latence.