Aujourd’hui la mer, la lumière ou le ciel ou le froid, ou le soleil, je ne sais, ils la lèvent comme un étai, une peinture, une mutinerie.
Au loin toutes les Alpes, d’ordinaire incertaines ou tremblantes, se découpent avec orgueil.
Je vais au Deux fenêtres. Le Deux fenêtres est une cantine, originairement faire pour les pêcheurs et leur syndicat, puis sous l’effet de la mode, envahi de touristes, de petits et grands bourgeois dot le cœur est très vif, des étudiants sans le sous, des artistes infinis.
J’y retrouve Brigitte et Diana, un couple d’amies que j’ai rencontrées il y a quelque années par l’entremise de Leika. Elles voulaient me voir, après tout ce qu’il s’était passé, et ce long temps où chacun perdit chacun de vue.
Je découvris bientôt qu’elle ne voulaient pas seulement deviser avec moi, mais qu’il y avait quelque chose.
Elles étaient bizarres. Seulement, elles ne crachaient pas le morceau. J’ai pris le vitel tonnè, et elle les tripes, toutes les deux. Je n’ai pas insisté, parce que d’une part je ne force pas les gens, ensuite parce que j’aime manger dans la tranquillité d’âme. On a papoté et on s’est régalé. Après le repas, elles ont proposé qu’on se prenne une glace sur le port.
J’ai dit ok. J’en saurais peut-être un plus. On a pris d’abord le café. Le type des Deux fenêtres nous a proposé le limoncello, on l’a pris tous les trois. J’étais un peu coufle.
Finalement devant le petit noir, Brigitte, la Française (Diana est anglaise ou américaine, je n’ai jamais su de quelle Cambridge elle était), a commencé à se dévoiler. Leur propriétaire voulait vendre l’appartement – d’ailleurs minable – qu’elles avaient en location derrière la rade. Il paraissait que le quartier allait être rasé pour permettre l’extension du quartier d’affaire et l’érection d’un palais des congrès digne de ce nom.La commune et la région avaient déjà tout finalisé, ne manquaient que la coopération des proprios. Le leur n’avait pas le goût à jouer (il était d’ailleurs de la famille des Bains d’Argo), et il voulait vendre fissa. Elles se demandaient si j’avais des connexions dans le coin.
Je leur ai dit que je réfléchirais, j’ai horreur de ce genre de mission. Aussi, quand on a commandé, j’ai payé les glaces, manière de faire comprendre que ça ne m’intéressait pas. La pistache était bien meilleure que la crème de lait.
J’ai marché le long de la rade, les filets de pécheurs au soleil exhalaient une forte odeur de sel et de poiscaille. Je me suis rappelé que Spin avait un cousin dans ce quartier. Mais je tombai sur sa messagerie.
Quand le soleil est venu dégouliner sur tout le golfe et tout le front de mer, les gens ont poussé un soupir. Quelque chose a craqué, et j’ai complètement oublié l’histoire. Les Alpes semblaient d’acier.