Aujourd’hui la mer est lisse, on dirait une vitre.
Il n’y a pas une vague. Ç’en serait presque inquiétant…
Si on ne devait pas aller dans un de ces foutus centres intégrés pour faire une visite de la peau. C’est joli une visite de la peau, j’en parlerai à T.
C’est un vieux monsieur, haut de taille, belle stature, avec la blouse, lui-même criblé de taches sur la gueule, j’imagine que c’est bon signe.
Il me dit que c’est la première fois qu’il vient ici. Au mur des tas de schémas d’yeux, dans la pièce des appareils optiques. D’ailleurs ce n’est pas une salle dermato. Eh non, je vois bien. Mais on pourrait utiliser l’un de ces appareils pour vous ausculter, ha ha ! En effet.
Déshabillez vous tout nu.
Comme on dit dans ce pays.
Je m’exécute. Je vois que j’ai pris encore de la brioche. Je vois surtout que j’ai mis des chaussettes avec des trous énormes. Je m’en rends compte que je suis déjà assis sur sa table d’examen, et qu’il va sûrement vouloir regarder entre mes doigts de pieds. Je les enlève vite et les balance vers mes affaires restées à terre. On a son orgueil.
Comme je me les gèle en me tenant les côte,s il commence un cours complet 1. sur les typologie de terrains susceptibles (un terrain est-il toujours susceptible ?) 2. sur la typologie de grains de beauté et autre microcancers et mélanomes associés 3. la clinique 4. le traitement et la posologie 5. la prévention 6. la rédaction du tableau clinique, mais c’est alors plutôt un problème informatique.
Puis je me retourne, alors qu’il poursuit et que je continue de me les geler. C’est un moyen qu’il a trouvé pour ne pas avoir le temps d’être dégoûté de la peau des gens, je me dis.
Devant son écran il me dit que mon N tildé (car mon N est tildé pour l’état civil), qu’il ne sait pas faire avec le clavier, l’empêche de pouvoir compléter mon examen. Il faut qu’il valide un truc et il ne peut pas. On reste un long temps comme ça, moi devant lui qui s’échine à reproduire bien cinquante fois la même opération. Je lui dis d’aller sur le net et de le copier-coller. Il ne voit pas du tout à quoi je peux faire allusion. Je lui propose de le faire.
Ainsi au mépris de toutes les normes d’hygiène et de privacy, me voilà aux commandes de l’ordinateur du centre sanitaire intégré régional. J’ai accès à tous ses patients. Lui, désintéressé de la question, nettoie la table d’examen puis fait joujou avec les grosses machines des opticiens.
Cette séance a finalement été l’un des plus beaux momentx de ma vie.