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Spoon River !
Sophia Tsorb
J’ai aimé la vie,
enfant
j’ai aimé courir dans les prés, la neige
dès 8 ans
j’ai aimé travailler dans les champs du lever au couché du soleil,
mon père m’aimait
Âme pure devant l’éternel je suivais fièrement le droit chemin.
A 15 ans j’ai trop aimé John, sa peau, sa voix.
J’ai bu ses mots d’amour
il m’a enlacée
je l’ai consommé,
un enfant s’est annoncé
John m’a abandonnée,
silence et bouche cousue
je me suis arrondie en douce
et tue
jouant toujours pour mon père la fille pure devant l’Eternel.
L’enfant est né
je l’ai tué
en secret
silence et bouche cousue
je me suis tue
De ce jour
je n’ai plus aimé la vie
morte vivante pour l’éternité
je n’ai pas pu aimer les enfants nés du lit conjugal
Je n’ai pas aimer leur père
je n’ai plus aimer
rien
Je hante l’âme de mes descendants
l’enfant assassiné se colle à eux
poids infini non défini
Que soit rompu le silence
que la vérité découse leurs lèvres,
J’aimerais tant dormir en paix.
FMon
Angiebousse
Ils ont attendu
planqués
que j’ai fait mon tour
trois petits et puis s’en vont
mon tour de vie et puis voilà…
pour me le filer, leur tour de vis (vice) !
Moi ? La morte là ? Vraiment ?
Moi, la « Ci-gît : née Angibousse 1900-1981 : Pensez aux os plutôt qu’on muscles » ?
Et eux ?
Ancêtres
Mes ancêtres ?
Accueillants ? Non !
Agrippant, harcelant hic et nunc
celle qui gît donc :
« Angibousse la dé-nommée
tu vas payer
de repos, tu peux rêver !
Foin ! Point ! Coin ! Nien ! Niet ! Rin ! Pin ! Glin ! Srin ! Ping ! »
(Et autres sons pas au point puisque de défunts.)
Traduction :
« Dé-nommée !
Au nom de née abandonné,
pour tout ce qu’il te reste d’éternité,
tout ce temps sans pouvoir le compter, le passeras à te re-nommer »
Oh temps à l’envers
pervers !
Pas de porte pour échapper !
Seules glaces sans teint pour re-garder :
Ce nom-vérité
le porter
le sur-porter !
Oh pauvre mal sur-nommée
t’aurais pas dû
vois-tu
t’être mariée !
Mal embouchée
mal barrée
ré, ché, gné, ré ré grée gné nié niet niet…
(et autres sons mal peignés puisque de trépassée).
EC
Marie-Emerance V., veuve Ulysse C.
Enfant, je m’échappais dès que possible des corvées, pour courir les collines et les bois. Avec tendresse, ma mère me surnommait « Marie-Errance ».
Plus tard, mes traits, qu’on disait fins, affolèrent les hommes, jeunes et vieux, les femmes, l’instituteur, le curé.
Pour la fête des moissons, un marchand ambulant étala ses colifichets sur la place du village.
Par dessus les fichus des mères de famille,
sa moustache et son regard brun intense.
Destinés l’un à l’autre, Ulysse et Marie-Emérance!
Notre voyage commença, immobile.
La guerre, la grande, celle qui abime, celle qui hâche, emporta nos deux fils et mon sourire.
L’aînée des filles se maria au pays. Proximité consolatoire.
La plus jeune demeura insaisissable et fantasque.
Courir!
les bois
les chevaux
les hommes
Voir le monde!
Ma secrète fierté
ED