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Se fondre dans la nature
Je suis assise au milieu de nulle part. Aucune trace de vie est perceptible à mes yeux dans cette étendue de sable, de végétation sèche et rabougrie.
Je ressens un vertige mes sens sont en déroute je me met enfin debout je marche à l’aveugle. La nausée persiste, le ciel et le sable se mélangent, je flotte parmi eux. Je tente de suivre les personnes qui, ignorant mon malaise conversent entre elles. Ce sont mes seules repères.
Je m’efforce de marcher, suivre la piste, respirer, déglutir, marcher, respirer, déglutir….
Au loin, se détache enfin des dunes, j’accroche mon regard sur la courbe des sommets. Ma perception du paysage dévoilé me rassure. Je reconnais ces espaces de sommets et de vallons.
Les dômes de neige des Monts-Jura, la bise qui déplacent le paysage, les combes de prairies ou de tourbières ne laissant échapper que de malingres végétations rabougries, les couleurs d’hiver uniforme sans ciel ni terre.
Mon corps s’habitue, mes pas scandent l’erg , je souris en moi.
FR
Le soleil levant commence à réchauffer mes aiguilles.
Du fond de la vallée une brume légère s’élève de la rivière et c’est à ce moment qu’ils arrivent par le sud.
Le tranchant de leurs haches brille, les dents affutées de leur scies sont prêtes à tuer.
Ils approchent de moi, m’attaquent au niveau du sol et d’un seul coup je vois l’horizon basculer.
Alors ils me déshabillent et jettent dans un creux, par dessus d’autres, mon manteau sombre parsemé de pives.
Je suis poussé dans la pente, m’écorche à chaque rocher et termine ma course en baignant mes blessures dans le lit de la Bienne.
Je rejoins là des frères et sœurs, que j’apercevais depuis longtemps sur les cimes avoisinantes et qui ont dû subir le même sort que moi.
Une autre équipe de trois, de la famille des tueurs, mais armés de piques, me pousse dans le lit de la rivière jusqu’à un bassin où nous sommes rassemblés pour être ligotés par paquets.
Ils grimpent sur la plateforme ainsi formée et, équipés de longues perches commencent à nous faire descendre le courant.
Quand le soleil décline ils nous attachent à un arbre sur la rive.
L’un tire de l’eau et jette sur l’herbe une longue chose qui se débat et brille, un peu comme ce qui parfois rampait autour de moi là haut.
Pendant ce temps, un autre tueur a rassemblé de ces branches sèches que nous autres laissons tomber au sol en fin d’hiver.
Maintenant, le tas est entouré de lumière comme je l’ai vu parfois de là haut lorsque, dans un grondement, une lame brillante tombait du ciel et atteignait un de mes congénères mort sur pied et desséché.
Ils ont coupé des morceaux dans la chose sortie de l’eau, les ont approchée du tas devenu rouge et maintenant il les engloutissent par le même trou qui leur permet aussi d’émettre des bruits.
Le soleil s’est levé, ils remontent sur nous et nous libèrent de la rive.
Très vite le courant qui nous porte en rejoint un autre, plus large, plus lent.
Par leur trou eux disent: « Ain » .
Après quelques jours, les pentes autour de moi se sont abaissées et il n’y a plus, ni frères, ni sœurs pour me saluer.
Adieu mon Jura
JNC
Me voilà accrochée à une paroi calcaire vertigineuse entourée de milliers de mes semblables. Nous sommes toutes tenues par nos racines dans les fissures de la roche.
Lieu de vie étonnant et superbe, avec une vue imprenable sur les gorges de la Langouette. Avides d’eau, c’est la lumière qui nous nourrit.
Pas l’eau brute qui pourrait déchirer nos longues robes , seulement la bruine et les fines gouttelettes caressantes s’ élevant jusqu’à nous.
Mais attention, nous ne nous installons jamais au soleil, il brulerait notre peau délicate, car nous sommes des coquettes et nos langues vertes aiment la fraîcheur. Il est notre ami, ensemble nous participons à la beauté du lieu. Quand il est au zénith, avec les brumes qui montent des gorges, il fait naître les arcs en ciel. Pour nous autres c’est la fête: nous accrochons ces colliers multicolores et exerçons notre pouvoir de séduction.
JC
Dire « je » ? Je ne sais pas très bien dire « je ». Je ne parle pas de moi. Jamais. Et à qui d’ailleurs ? Ici, je suis seul. Enfin, pas tout à fait. D’autres vivent et respirent autour de moi. Mais ils sont différents. D’une autre espèce. Nous ne communiquons pas. Nous n’essayons même pas. Peut-être c’est vrai, que si nous essayions, nous trouverions des mots communs. Mais pour se dire quoi ?
Mais puisque vous me pourchassez, puisque vous êtes venus ici me débusquer, dans ma tourbière, je vais raconter et peut-être cela changera mon destin.
Du temps de ma jeunesse, j’ai vécu dans le monde. Votre monde. En ville. Dans la grande ville. En tout cas, pour moi elle était grande. Mais qu’il était difficile de vivre auprès de vous. Même caché, même tapi dans l’ombre. On m’a cherché. On m’a traqué. Et j’ai fui.
Je me suis réfugié vers la tranquillité. Vers la sérénité. Ici, loin de tout. Loin de vous. Près de cette eau perdue dans les sphaignes. Là où vos pieds lourds enfoncent. J’y trouve tout et vous rien. Car vous ne voyez rien. Ignorants de ce monde.
Mais vous voilà maintenant, foulant ce sol, coupant les bouleaux qui abritent mon sommeil, drainant les gouilles où je me baigne, arrachant les myrtilles, violettes, qui tachent à l’automne, mon pelage roux.
De cette terre acide dont vous ne tirez rien, vous voulez vous repaître. Vous voulez la transformer, la modifier. A votre image. Epuiser la ressource. Puis anéantir l’inutile. Mais je suis là, tout aussi inutile à vos vies qu’elle. Alors, qu’allez vous faire de moi ?
Allez vous entendre ? Allez vous comprendre ? Je parle pour la première fois. Les sons effrayés sortent de ma gorge et la terreur résonne au fond de cette vallée. Je vois vos armes. Vos chiens couvrent de leurs cris ma voix.
Mes yeux vous regardent. Ils vous supplient. Epargnez-moi.
VV
Tremblante sur ce pont des tourneurs, frissonnante, assourdie par la cascade scintillante, sans cesse renouvelée, je dois m’arracher à la magie de cette vallée,
Le chemin grimpe à l’ombre des hêtres, des cyclamens se nichent sur les pentes tapissées de mousse, je me penche pour admirer leur élégance, leur douce couleur …….
Une odeur sensuelle s’en dégage. Quelle harmonie dans la courbe de la feuille dont l’envers surprend.
Tout près, des fraises des bois mêlent leur parfum à celui des fleurs: douceur de miel.
La montée s’ouvre sur une grotte, impressionnée par sa fraîcheur, son silence, je m’enfonce dans un dédale de galeries aux murs de brocatelle rose, dorée, rouge, grenat.
Quelques clapotis, le murmure d’une source, une douce clarté m’amènent à un espace lumineux où s’étale un petit lac d’un bleu saphir.
Un banc de brocatelle m’invite;
J’attends dans cet univers minéral un être vivant.
YL
Le soleil levant commence à réchauffer mes aiguilles.
Du fond de la vallée une brume légère s’élève de la rivière et c’est à ce moment qu’ils arrivent par le sud.
Le tranchant de leurs haches brille, les dents affutées de leur scies sont prêtes à tuer.
Ils approchent de moi, m’attaquent au niveau du sol et d’un seul coup je vois l’horizon basculer.
Alors ils me déshabillent et jettent dans un creux, par dessus d’autres, mon manteau sombre parsemé de pives.
Je suis poussé dans la pente, m’écorche à chaque rocher et termine ma course en baignant mes blessures dans le lit de la Bienne.
Je rejoins là des frères et sœurs, que j’apercevais depuis longtemps sur les cimes avoisinantes et qui ont dû subir le même sort que moi.
Une autre équipe de trois, de la famille des tueurs, mais armés de piques, me pousse dans le lit de la rivière jusqu’à un bassin où nous sommes rassemblés pour être ligotés par paquets.
Ils grimpent sur la plateforme ainsi formée et, équipés de longues perches commencent à nous faire descendre le courant.
Quand le soleil décline ils nous attachent à un arbre sur la rive.
L’un tire de l’eau et jette sur l’herbe une longue chose qui se débat et brille, un peu comme ce qui parfois rampait autour de moi là haut.
Pendant ce temps, un autre tueur a rassemblé de ces branches sèches que nous autres laissons tomber au sol en fin d’hiver.
Maintenant, le tas est entouré de lumière comme je l’ai vu parfois de là haut lorsque, dans un grondement, une lame brillante tombait du ciel et atteignait un de mes congénères mort sur pied et desséché.
Ils ont coupé des morceaux dans la chose sortie de l’eau, les ont approchée du tas devenu rouge et maintenant il les engloutissent par le même trou qui leur permet aussi d’émettre des bruits.
Le soleil s’est levé, ils remontent sur nous et nous libèrent de la rive.
Très vite le courant qui nous porte en rejoint un autre, plus large, plus lent.
Par leur trou eux disent: « Ain » .
Après quelques jours, les pentes autour de moi se sont abaissées et il n’y a plus, ni frères, ni sœurs pour me saluer.
Adieu mon Jura
JNC
Scolopendre
Me voilà accrochée à une paroi calcaire vertigineuse entourée de milliers de mes semblables. Nous sommes toutes tenues par nos racines dans les fissures de la roche.
Lieu de vie étonnant et superbe, avec une vue imprenable sur les gorges de la Langouette. Avides d’eau, c’est la lumière qui nous nourrit.
Pas l’eau brute qui pourrait déchirer nos longues robes , seulement la bruine et les fines gouttelettes caressantes s’ élevant jusqu’à nous.
Mais attention, nous ne nous installons jamais au soleil, il brulerait notre peau délicate, car nous sommes des coquettes et nos langues vertes aiment la fraîcheur. Il est notre ami, ensemble nous participons à la beauté du lieu. Quand il est au zénith, avec les brumes qui montent des gorges, il fait naître les arcs en ciel. Pour nous autres c’est la fête: nous accrochons ces colliers multicolores et nous allons enfin pouvoir séduire.
Le poète
Il est un arbre, il est le ciel de l’arbre, il abrite et donne vie aux autres et aux oiseaux
La rivière Saine
Nu, pieds dans l’eau transparente
l’enfant prend le caillou, le regarde
œuf noir, pierre roulée, vie errante
là-bas plus beau qu’ici, pauvre hère
le désir est un caillou qui tient dans la main
l’enfant voit le poids du désir dans le creux de sa main
tu es le désir
tuer le désir
sable…
Morilles
Arriver en Avril, mettre le nez à la fenêtre, inspirer… puis consulter le calendrier lunaire, y repérer les dates « fleurs ».
Respirer en y pensant toute la journée, s’ y préparer, attendre encore; se coucher, lire, s’ endormir en y songeant, rêver.
Être chaque jour dans la même attente, la nuit rêver.
Enfin en rêver!
Dès qu’il fait un peu jour, se lever, s’ habiller, se chausser, filer à toute vitesse au rendez vous.
Ouvrir les yeux, écarter la mousse, regarder: ils sont là.
Remplir son panier de la poussée de la nuit.
Chevreuils
Ce matin, comme hier,
aux Rouges Truites
neuf culs blancs
broutent.
Salamandre
Froide créature bizarre,
jaune et noire, de la marre, rampe sous les prêles.
Surprise par la grêle
tu frissonnes
tu grelottes
tu grommelles…
Allez!
brave le froid
crache le feu
traverse le brasier
allume les éclairs
Surgis du cratère!
JC