[Le commentaire comme dehors]
L’été, dans les immeubles très collectifs comme le mien, au cœur de cette grande ville, les intimités sont malheureusement poreuses comme les persiennes baillent et les vitrages battent mollement sur leur chambranle.
À des heures imprécises, mais toujours saugrenues, littéralement, étymologiquement attesté, diverses odeurs de cuisine glissent, ou plus souvent grimpent, dans les escaliers, s’entortillent dans l’infernal puits intérieur — qui à la manière de l’Enfer compte bien ses neuf étages — et dont les carreaux ouverts à cause de la canicule exhale dans le petit réduit où je tiens à la fois ma bibliothèque portative (donc totale) et tous mes carnets d’écriture — ou plus justement, d’exégète (de relecture donc).
Quand cela ne m’empêche pas de dormir, voire me réveille, cela me distrait dans le travail. C’est à chaque fois un supplément.
Cela vient se mêler à la nuit, lieu où mon esprit, embarbelé de rêves et autres embâcles psychiques, avide d’évasion, est le plus propice à la sagacité, et tricote abondamment, presque à mon insu des situations ou des schémas tout à fait séduisants.
Et si par hasard, ou simplement du fait de l’heure qui croît et de l’aurore qui dissipe les volutes, et dans le même temps rassérène les corps et les met en mouvement, les odeurs de cuisine s’évaporent (ou s’humanisent, se domestiquent), je n’ai plus qu’à consigner avec tout autant d’excitation que de joie, presque charnelle, les évènements de la nuit.
Un livre nouveau éclot alors, comme une aube, amère et inquiétante, puis de plus en plus affirmée, comme une parole inédite déposée dans le creux de l’oreille du monde.